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l’âme de ses propres profondeurs, que l’âme s’y libère de toutes entraves pour la joie et pour l’intelligence du monde et d’elle-même : préciser ainsi l’atmosphère métaphysique de toute l’œuvre, — signification nécessaire et première de ce Prologue.

Mais cette liberté, cette libération prouve, par le fait-même, le désordre du monde. Car la liberté, c’est l’ordre naturel, et si tout ce qui vit vit esclave, rien n’est selon les lois de la nature. Pourtant il n’y a pas de liberté dans le monde. Toute vie est enchaînée par une autre vie, ou par un vice, ou par de factices obligations que résume la Société telle qu’elle est. — L’esprit aperçoit donc immédiatement : que cette reprise de soi dans la liberté naturelle crée un état d’exception, que le retour à l’Ordre par la liberté crée dans l’âme de qui a cette audace une personnelle solitude.

C’est cette solitude-là qu’il faut se faire dans l’âme « pour écouter Dieu ». Et en effet, de ces trois vertus fondamentales, Liberté, Ordre, Solitude, résulte aussitôt un sentiment d’illimitée puissance, qui est le conseil-même de l’Infini ; aussitôt, l’âme acquiert la certitude de sa propre éternité dans cette solitude d’exception, et qu’il n’y a pas de mort comme il n’y a pas de naissance, et que la vie véritable est d’être un des centres conscients de la vibration infinie.

Peu à peu, sur le rideau des pensées flotte, encore vague, puis s’affirme le virginal modèle de