Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/65

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registrons avec indifférence, comme nous-mêmes nous ergotons doctement sur les choses d’il y a cent ans, — et ainsi passeront les générations, insoucieuses du but de leurs courses et la barbe sur l’épaule, comme des armées en fuite plus inquiètes de l’ennemi qui les poursuit que du lieu d’asile inconnu où les mène le hasard. Ici, notre ennemi, nous l’aimons : c’est l’innombrable mort immortel de l’histoire. Mais quel dangereux amour ! Cette perpétuelle méditation des institutions de nos ancêtres ne nous laisse pas le temps de fonder à notre tour : nous ne léguerons guère à nos descendants que vains prétextes à disserter et d’ailleurs cette hâte d’entrer dans l’histoire, c’est-à-dire dans la mort, sonne le glas des races. — Il est certain que c’est par l’histoire, au commencement du siècle, que la Religion et l’Art, qui faisaient aux époques de vitalité latine une indissoluble union, se sont désagrégés. Et tout aussi certain est-il que cette époque romantique, malgré les très grands services qu’elle a rendus à l’Art, reste, pour avoir puérilement flotté d’une religion factice à des systèmes de philosophie de réaction, et même à l’indifférence, une époque d’enfance et de sommeil pour la Pensée.

Même chez les écrivains réputés les plus sincèrement chrétiens le sentiment de la vie actuelle de la religion qu’ils célèbrent n’est jamais pur. Chez de Bonald il y a de la mort, malgré tant