Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelle vie splendide dont l’histoire rayonne ! — tant que les dogmes ont eu besoin de lui pour être promulgués et fixés, tant qu’il a eu cette belle tâche de conclure, dans le Symbole, l’alliance de la Raison divine et de la Raison humaine, tant qu’il a eu cette sublime mission à remplir : révéler aux hommes ce que la Révélation nouvelle leur apportait de nouvelle lumière. Une fois cette tâche accomplie et cette mission remplie, le Génie et la Révélation s’excluent. Peut-être déjà la Révélation se survit-elle, puisqu’elle n’a plus rien de neuf à dire au monde. Du moins, elle n’a plus rien à gagner aux services du génie, qui devient pour elle un allié dangereux, toujours épris, comme il l’est, de nouveauté, toujours en fièvre de création. Car ce n’est pas assez, pour lui, que l’œuvre de défendre les vérités acquises. Le plus triste et touchant exemple de cette impuissance du génie à se contenir dans ce rôle secondaire n’est pas bien loin de nous. La bonne foi de Lamennais est incontestable et quand il écrivit, sur le premier volume de son grand ouvrage : De l’indifférence en matière de religion, il souligna d’un trait de feu le grand mal et la grande faute, en effet, de son temps. Mais, à mesure que les pages s’ajoutaient aux pages, le génie s’irritait des bornes étroites qui l’oppressaient, s’impatientait de cette défense de créer devenue la première des prescriptions du Dogme à ses prêtres et, comme naïvement, par le pur exercice de ses forces