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Lorsque je fus condamné au pénitencier, je n’étais pas complètement dégradé. J’avais volé parce qu’on m’y avait poussé ; j’appris plus tard qu’on m’avait fait faire ce vol, dans le but de me perdre définitivement.

J’avais encore des manières qui ne plaisaient pas à ceux avec qui je travaillais. N’ayant pas été élevé à courir les rues, j’avais conservé dans ma misère, une certaine hauteur qui me fit détester de ces misérables. Ils complotèrent ma perte et réussirent à merveille.

Mon procès, ma condamnation, tout ça passa comme un rêve.

Le jour arriva où il me fallut partir pour le pénitencier. L’on me donna pour compagnon de route un individu qui en était à son troisième voyage. C’était un voyou de profession. Je fus effrayé du cynisme de son langage ; mais je n’étais pas encore au plus beau.

On emprisonne les voleurs, les meurtriers, etc., pour le corriger. Hélas ! l’on devrait plutôt dire que c’est pour le rendre plus mauvais.

J’arrivai à Kingston le soir. Après avoir enregistré mon nom sur un livre, on me conduisit à ma cellule. En passant dans le petit corridor qui sépare les deux rangées de cellules, j’entendis les prisonniers qui se criaient les uns aux autres : en voilà un nouveau !