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J’arrivai enfin à ma chambre. Ma chambre ! l’espace nécessaire pour y mettre un lit. L’on me dit de me coucher, ce que je fis sans me faire prier, car j’avais besoin de repos. J’étais brisé par le trajet que je venais de faire et je comptais bien dormir un peu pour éloigner de mon esprit tout ce que mon compagnon de route m’avait dit. Je n’eus ni repos, ni sommeil.

À peine le gardien avait-il fermé et barré la porte ou plutôt la grille en fer qui fermait ma chambre, et eut-il laissé l’appartement où se trouvait les cellules, que j’entendis un bruit épouvantable. C’était mes compagnons qui secouaient avec force les grilles fermant leur cage respective. Ce bruit fut suivi de cris, de blasphèmes, de hurlements poussés par les prisonniers. Ce tapage d’enfer dura jusqu’au matin ; j’ajouterai que ce manège fut renouvelé presque toutes les nuits que je passai au pénitencier.

J’ai oublié de te dire qu’en arrivant, on m’avait fait changer de vêtement ; j’avais dû revêtir l’habit des prisonniers.

Je fis ce changement d’assez mauvaise grâce. Je trouvais pénible d’endosser un pantalon dont une jambe était d’étoffe rouge et l’autre d’étoffe gris clair ; un habit des mêmes couleurs et une casquette faite des mêmes étoffes taillées en pointes