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LE VAMPIRE

Depuis quatre jours, le baron de Cénac se débattait entre la vie et la mort.

Il était à toute extrémité.

Le Docteur-Noir regarda un instant le malade.

— Quelle température ? demanda-t-il à voix couverte au médecin de la famille, qui ne quittait plus le chevet du mourant.

— Trente-huit degrés, lui répondit-on.

Lucien Bartier se retira dans le fond de la pièce.

Ses confrères entièrement apaisés et réconciliés vinrent le rejoindre et le regardèrent d’un air d’interrogation.

— Eh bien ? daigna dire M. Baudinet.

— Il ne passera pas ta nuit, affirma le Docteur-Noir avec assurance. Ce soir, la température montera à quarante degrés.

— Alors, c’est réglé, conclut l’un des médecins. Il est fichu !

— Je triomphe, fit M. Baudinet.

Le baron sembla sortir de son état de torpeur. Ses yeux s’ouvrirent tout grands.

Les docteurs quittaient la chambre. Le médecin de la famille les accompagna.

M. de Cénac se trouvait seul.

— C’est fini, murmura-t-il d’une voix éteinte. Ils l’ont dit. Je l’ai entendu. Eh bien ! non, ils n’auront pas ma fortune… Ils ne l’auront pas !

Pour comprendre la portée de cette exclamation, il faut connaître la situation du baron de Cénac.

Il était l’unique descendant d’une haute famille et n’avait point d’héritier direct. Les parents de sa femme, bourgeois enrichis et rapaces, devaient rentrer en possession de tout ce qu’il possédait.

L’odieuse conduite de la baronne lui avait fait prendre en aversion la parenté de celle-ci. Depuis l’affaire de la rue des Gravilliers, la famille de Mme de Cénac avait essayé de parvenir jusqu’à lui, mais inutilement.

Aussi les futurs héritiers, sûrs de leur proie, attendaient-ils la fin du baron de Cénac pour se partager ses dépouilles.

Déjà, ils escomptaient sa mort.

D’après l’ordre du blessé, les beaux-parents avaient été laissés dans une chambre de l’hôtel.

— Ils n’auront pas ma fortune… ils ne l’auront pas.

Par un effort suprême, il se dressa sur son lit, affreusement pâle. D’une main, il contenait l’appareil posé sur sa blessure et de l’autre il s’appuyait aux meubles.

Il se dirigea vers un coffre-fort, placé dans un coin de sa chambre et après de douloureux efforts, il parvint à l’ouvrir.