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LE VAMPIRE

— Le curé me trouvait à son idée, il faut croire… Dame… il aimait les gosses, ce saint homme… Vous comprenez ?

— Oui, oh ! l’être ignoble… continue.

— Le ratichon me fit des propositions plus ou moins acceptables, et tout mioche que j’étais, je lui flanquai ma main, sur sa bonne grosse figure.

— Très bien, à la bonne heure !

— Pas sûr, attendez. Nous étions dans un coin de la cour, et les autres gamins virent le coup. Il paraît que c’était touché : ça fit flac ! C’est bête comme tout, mais le nom de flac me resta.

— Bah ! vraiment ?

— Oui, de là mon nom !

— Tu en as arrangé l’ortographe ?

— Mon Dieu oui ; mais revenons à mon curé. Il me fit enfermer au cachot pendant un mois, au pain et à l’eau, de sa propre autorité. Quand je sortis, la vie n’était plus possible pour moi. J’étais un maudit. Songez-donc ! j’avais calotté un prêtre. Je pris la résolution de m’enfuir… Je me sauvai un soir et je cours encore… Depuis ce temps, je vécus de bric et de broc, jusqu’au jour de mon tirage au sort. J’ai fait sept ans de service militaire. La caserne ! encore une galère, celle-là. Et les chefs ne valent pas mieux que mon calotin… Mais souffletez ces bonshommes… Au mur ! Ah ! quel bagne que l’existence !

— À qui le dis-tu ? fit le Docteur-Noir en serrant avec effusion la main de son domestique. Mais, poursuis ta pénible narration.

Jean-Baptiste Flack reprit :

— J’essayai de travailler comme bureaucrate, mais le métier de gratte-papier n’allait guère à mon caractère indépendant. Je me fis tanneur, aidé par des camarades qui me facilitèrent l’apprentissage. Ce fut dur. J’avais l’âge d’homme et je touchais à peine la paie d’un gamin de quinze ans…

Enfin, à force de persévérance, j’arrivai à gagner mes quatre francs ou cent sous par jour comme un autre.

— Cent sous !

— Et c’était beau ! Dame, il faut bien que messieurs les patrons s’enrichissent. Si les ouvriers gagnaient plus, ils ne se retireraient pas si tôt, ces dignes bourgeois.

— C’est vrai, exploités et exploiteurs… Voilà la société !

— Il y a aussi de braves gens… Vous me l’avez appris…

— Continue l’histoire de ta vie.

— Un jour, il m’arriva ce qui arrive à beaucoup d’ouvriers tanneurs. Une mouche charbonneuse, cachée dans les peaux, s’échappa, pleine de venin et me piqua à la figure.

— C’est une chance d’en avoir réchappé.