— Titille ! exclama Jean-Baptiste Flack,
— Oui, la connaîtrais-tu ?
Le domestique du Docteur-Noir pencha tristement la tête, sans répondre.
— Qu’y a-t-il ? mon bon Flack, questionna affectueusement Lucien Bartier.
Le domestique, ou plutôt le compagnon du Docteur-Noir, se redressa brusquement, comme s’il venait de prendre une résolution.
— Écoutez, dit-il, je ne veux pas avoir de secrets pour vous…
— Je ne te demande rien, Jean. — Parlons d’autre chose.
— Non pas. Vous savez dans quelles conditions j’ai eu l’heureuse fortune de vous connaître… J’étais mourant… et vous m’avez sauvé.
— Le beau mérite ! Tu te laissais périr d’inanition… pauvre ami. Je t’ai tiré d’affaire avec quelques potions réconfortantes.
— Oh ! surtout avec de bonnes paroles, mon cher maître. Sans vous, je crevais comme un imbécile, de désespoir… Et pourquoi, bon Dieu ! pourquoi !
— C’est ton affaire, mon ami.
— Non, c’est aussi bien la vôtre, puisque vous vous êtes intéressé à moi. Voici ma petite histoire…
— Tu le veux absolument ?
— Oui, docteur.
— Allons, soit, fit le Docteur-Noir qui s’assit pour écouter les confidences de son domestique.
Flack se recueillit quelques instants.
— Il faut vous dire, commença-t-il, que je n’ai jamais eu de famille. J’ai été recueilli par l’Assistance publique. Ah ! monsieur, elle est dure, je vous promets l’existence qu’on mène dans ce bagne des Enfants-Trouvés. On vous élève dans la honte de soi-même, comme si on était coupable de quelque chose. Et vous grandissez en paria, récitant des prières pour les âmes charitables qui vous font l’aumône… Oh ! misère de misère… Ça me pèse encore sur les épaules, toutes les humiliations de mon enfance ! Je me demande encore si je dois regarder quelqu’un en face et parler haut…
— C’est triste, en effet, mon pauvre ami… Et c’est aux Enfants-Trouvés qu’on t’a baptisé du nom de Jean-Baptiste Flack ?
— Oui, et voici comment : Je m’appelais Jean-Baptiste ; on m’avait décoré de ce nom-là en entrant. Il paraît que la société a le droit de vous affubler d’un sobriquet, quand on a recours à sa charité. Or, un jour, j’avais huit ans, j’allongeai une claque superbe à notre calotin, un gros bonhomme… Du coup, mon nom s’allongea aussi.
— Comment cela ?