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LE VAMPIRE

Caudirol se tenait à distance, sans être aperçu d’elle. Il entendit chanter sur un ton plaintif :

Ma Pitchounette
Sera vengée…
Ma Pitchounette
Sera vengée.

Malgré son courage de bandit, il frissonna jusqu’aux moelles, et quitta la place.

La vieille italienne psalmodiait toujours son refrain monotone.

Les passants la regardaient étonnés.

Caudirol s’éloignait rapidement.

Il se souvenait du drame de la rue des Gravilliers.

— J’aurais pourtant voulu voir, murmura-t-il. Je ne sais quel secret désir me pousse vers ces femmes que j’ai tuées… Il me monte encore des bouffées de passion… Oh ! la Pitchounette, quel morceau de roi. Je garderai toujours la vision de ces seins durs et de ces cuisses rondelettes… Bast ! c’est fini… Mais n’importe, quand je devrais ouvrir sa tombe, je reverrai l’autre, la baronne. Je ne l’ai pas, possédée vivante, l’autre soir, elle !

La folie hideuse de la chair tourmentait de nouveau le monstre.

Un sourire de satyre se dessinait sur ses lèvres…

Il disparut.

Une scène douloureuse allait se passer.

La voiture qui conduit les cadavres de la Morgue au cimetière d’Ivry, avec les suppliciés, sortit au grand trot.

La vieille, mue par un instinct étrange, suivit le véhicule qui emportait les restes de sa malheureuse fille.

Elle courut ainsi jusqu’à la place d’Italie, les cheveux défaits, folle de souffrance…

Marita était alors effrayante et sublime…

Ses yeux hagards étaient démesurément ouverts… Sa bouche se convulsait… Elle tendait les bras avec une expression déchirante.

— Oh ! ma fille, murmura-t-elle.

Cependant, la voiture avait pris le galop.

Elle la perdit bientôt de vue.

— Ma Pitchounette, gémit-elle suffoquée, attends-moi !

Mais la voiture disparaissait rapidement en haut de l’avenue de Choisy.

L’Italienne se traîna, regardant le point noir qui s’effaçait…

La nuit, on eut pu voir une femme échevelé se déchirant les ongles contre la barrière qui sépare le cimetière des suppliciés de la route.