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LE VAMPIRE

Ses beaux yeux remplis d’effroi avaient une expression incomparable.

La malheureuse était à peine vêtue de quelques guenilles qui se collaient à son corps.

Elle regardait avec épouvante les nouveaux-venus.

— Voilà mam’zelle Lydia, fit la Mécharde, en allant vers la pauvre petite.

Celle-ci s’enfuit dans un coin où elle se tint immobile, toute tremblante.

— Grâce ! supplia-t-elle.

Caudirol et la Sauvage échangèrent un regard.

Sacrais s’empressa de se disculper.

— Vous comprenez, fit-il, elle a surpris nos secrets ; elle nous dénoncerait.

— Ce n’est pas cela, interrompit Caudirol. Tu mens ! Cette fille t’aura résisté et tu te venges. Où l’as-tu prise ?

Sacrais balbutia quelques protestations.

Caudirol prit le parti d’interroger la petite martyre.

— Comment t’appelles-tu ? lui demanda-t-il.

Elle ne répondit rien.

Son visage se tournai suppliant, vers la Sauvage.

— Ayez pitié de moi, madame, dit-elle, d’une voix éteinte.

— Interroge-la, fit Caudirol à sa maîtresse. Elle te répondra peut-être à toi.

— Ton nom, ma mignonne ? demanda la Sauvage.

— Lydia, madame.

Caudirol se prit à réfléchir.

— Lydia ? Mais c’est le nom que Marguerite, la fille du père Marius, avait donné à sa fille… Si elle a survécu elle doit avoir cet âge… Je ne sais quelle ressemblance me rappelle la jeune mère… et l’autre, le peintre à bonne fortune… celui qui me l’a soufflée en l’épousant quand j’étais au séminaire de Nantes… Oui, c’est le portrait de ces époux que j’ai fait massacrer… Mais, il n’y a là que des coïncidences trompeuses.

La Sauvage continuait d’interroger la fillette :

— Quel âge as-tu ?

— J’ai eu quinze ans hier, madame.

— Tu n’as pas de parents ?

— Non, je suis une enfant trouvée… On m’a dit que j’avais été abandonnée à l’âge de deux ans par ma mère… Mais ce n’est pas vrai, elle est morte, bien sûr ; est-ce qu’on laisse ses enfants souffrir comme ça ?

La Sauvage éprouva une émotion qu’elle ne put dissimuler.

— Alors, tu es orpheline ?

— Oh ! oui, madame, ma mère était trop bonne pour m’abandonner.

— Qu’en sais-tu ? demanda la Sauvage.