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LES MYSTÈRES DU CRIME

Cela dit, comme avertissement, poursuivons notre narration.

Le Docteur-Noir était revenu au Père-Lachaise, toujours filé par son domestique qui se dissimulait avec un art de policier.

Lucien Bartier, caché dans une allée déserte, laissa la nuit tomber…

Il attendit que les portes du cimetière se fussent refermées et que les gardiens eussent fait leur dernière ronde.

L’immense nécropole devenait silencieuse.

Les tombes se profilaient vaguement dans l’obscurité.

Le Docteur-Noir se sentait pris invinciblement d’un malaise qu’il essayait de secouer.

Ce silence lui faisait mal…

Par instant, un faible bruit s’élevait lorsque le vent du soir passait au milieu des arbres.

Quelquefois une porte de fer, mal jointe, grinçait dans ses gonds rouillés.

On eût dit la plainte des milliers de morts enfouis dans ce vaste champ.

Une rafale se produisit tout à coup et anima le cimetière d’une vie fantastique et lugubre.

Les couronnes s’agitaient lentement sur leurs tringles ; un bruit de ferrailles se fit entendre plus prolongé, plus criard.

Ce mouvement d’ombres et ce bruissement avaient quelque chose de terrifiant dans un lieu semblable.

Jean-Baptiste Flack se demandait quelle folie subite poussait son maître à attendre la nuit dans la nécropole.

— Est-ce que les derniers évènements auraient détraqué son cerveau ? se demandait-il.

De son côté, le Docteur-Noir pensait :

— Allons, c’est le moment. Il faut en finir… Rien ne me retient.

Et cependant, il restait à la même place, hésitant.

Pendant ce temps les bandits de Saint-Ouen étaient rassemblés à l’hôtel Peignotte.

— La patronne trônait à son comptoir, flanquée de son amant.

Le Nourrisseur n’avait pas renoncé à ses ignobles amours.

Grâce à lui, l’hôtel était un repaire absolument sûr ; jamais les patrons n’auraient dénoncé un de leurs clients. La police, qui ignorait le fin mot de cette association, se lançait toujours sur de fausses pistes quand ses agents consultaient le maître ou la maîtresse de cet établissement interlope.

Donc les gredins se trouvaient en parfaite sécurité.

Aucun d’eux, d’ailleurs, n’était recherché particulièrement.