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LE VAMPIRE

La petite Italienne, affolée, se jeta sur son adversaire qui la laissa venir et lui arracha le cordon qui retenait sa jupe.

La jeune fille était nue.

Elle eut un cri de rage et voulut se venger.

Mais ses pieds s’embarrassaient dans ses vêtements tombés.

— Oh ! la la… spectacle ! cria La Marmite.

À l’autre bout de la cour, l’autre femme ricanait.

— Voyez donc cet amour de petite fille… As-tu ton compte, morveuse ?

L’Italienne bondit avec un tel emportement, qu’elle surprit la femme qui la raillait et la renversa.

Alors furieuse, écumante de rage, elle glissa sa tête sous les jupons de son ennemie qui poussa un cri horrible.

— Au secours !… Oh ! elle m’a mordu…

Le combat était terminé. La petite restait au milieu de la cour sombre, éclairée dans sa nudité par les fourneaux des cuisines en plein air et par la lueur de quelques chandelles.

Tout à coup, elle sentit quelque chose qui glissait sur ses épaules.

Elle se retourna et vit une vieille femme qui lui mettait son châle.

L’Italienne s’en recouvrit et ramassa ses loques éparses.

La vieille s’en allait d’un pas traînant et l’air absorbé.

La Marmite l’apostropha :

— Tu pouvais pas rester dans ton coin, sorcière ?

Et il suivit ses camarades qui sortaient par le couloir de l’hôtel,

— C’est égal, le châle est venu mal à propos… C’est rien dommage !

La vieille femme était retournée s’asseoir dans un coin de la cour, près du misérable cabinet où elle habitait.

Elle semblait étrangère à tout ce qui se passait et fredonnait doucement sur un air triste :

Ma Pitchounette
Sera vengée…

Et elle reprenait, après une pause, cet éternel refrain.

— Voilà la mère Vengeance qui reprend sa ritournelle, dit le Nourrisseur au père Peignotte.

C’était, en effet, le surnom que l’on avait donné à Marita, la vieille Italienne, qui s’était fixée dans cet hôtel sordide, vivant de charité.

— Oui, répondit le patron à l’observation du Nourrisseur ; mais, à propos, dites donc, c’est à cause de vous qu’elles se sont crêpé le chignon, les deux gigolettes…