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LE VAMPIRE

Le corps de Mme de Cénac était admirablement conservé. Le blanc mat de son beau visage ne portait point l’empreinte de la mort.

On lui avait laissé les bijoux qu’elle portait le jour de son rendez-vous avec le curé de Saint-Roch.

Quelques jours à peine s’étaient écoulés depuis cette horrible affaire et, on l’a vu, Caudirol s’était vautré dans le sang… Il était devenu le grand-prêtre du crime.

Il avait tenu parole. Ce monstre au cerveau puissant et détraqué avait changé de religion. De curé, il s’était fait bandit ; mais, au fond, il était resté fanatique.

Il faisait le mal ouvertement, voilà tout le changement qui s’était opéré en lui.

L’éducation cléricale peut créer de tels monstres.

Il contemplait sa victime.

— Dépêchons-nous, patron, lui dit Tord-la-Gueule.

Rappelé à la réalité par cet avertissement, il se baissa et retira les bijoux de la baronne.

— Prends cela, dit-il à La Marmite.

— Oui, nous bazarderons-ça, repartit celui-ci. Ce soir nous avons vu l’Homme-qui-pue. Il est prévenu et doit nous attendre à l’hôtel des Lyonnais.

— Ça en rapportera, de la monnaie, fit La Guiche.

— Veux-tu fermer ta boîte, espèce de maquereau, lui dit Tord-la-Gueule. La Guiche, en effet, était non seulement un bandit, mais encore un souteneur.

Ses camarades le méprisaient.

Caudirol imposa silence à ses hommes.

— Il n’aura rien, dit-il, soyez tranquilles à ce sujet.

— Et pourquoi donc, cher monsieur ? demanda La Guiche en élevant la voix.

— N’as-tu pas proposé aux amis de s’enfuir en me laissant dans ce trou ? demanda Caudirol.

— Dame ! vous nous embauchez pour des coups qui ne sont pas du tout agréables.

— Silence. Ce que j’ai dit est dit. Tu n’auras rien.

— J’aurai le plaisir de voir emballer quelqu’un de ma connaissance, grommela La Guiche.

— Ah ! vraiment, tu me dénonceras ?

— C’est mon affaire. Laissez-moi la paix…

Il n’avait pas achevé sa phrase que Caudirol le saisit à la gorge d’une main, tandis que de l’autre il l’empoignait par les jambes.