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LE VAMPIRE

Un battement de cœur, voilé et lointain, se fit sentir.

Mme de Cénac vivait !

Jean-Baptiste Flack se recula de quelques pas. En cet instant, son maître lui apparaissait avec des proportions surnaturelles. Ce n’était plus un homme c’était un dieu.

Le brave domestique avait lu, à de longs intervalles, dans les gazettes, des faits de résurrection analogues à celui qu’il avait sous les yeux. Il savait que la léthargie peut simuler la mort pendant des jours entiers.

Bien des fois, il avait frissonné en lisant dans les livres de science de son maître que, chaque mois, certainement, orienterait en France des individus vivants.

Tous ces détails lui revenaient en foule à la mémoire.

Il frissonnait saisi d’une crainte vague.

Il se rappelait le compte rendu d’exhumations qui avaient mis à découvert des cadavres dont les bras et les épaules étaient rongés… ou qui étaient retournés dans leur bière.

Des hommes et des femmes, sous l’influence de la catalepsie ; avaient été enfouis… Ils s’étalent réveillés vivants… L’air filtrant à travers la terre leur permettait de vivre… Mais prisonniers, dans un cercueil, immobilisés, paralysés, ils avaient dû attendre la mort dans des angoisses folles… La faim les tenaillait et ils s’étaient arrachés des lambeaux de chair de leurs propres dents ». Le suicide même leur était interdit… À plusieurs pieds sous le sol, ils avaient dû se débattre, se retourner dans leur cercueil, sentant se tordre après leurs membres les vers du tombeau… Leurs cris s’étaient éteints dans les entrailles de la terre…

Jean-Baptiste Flack considérait, avec un sentiment de pitié et de soulagement, cette femme qui allait échapper miraculeusement à cette torture épouvantable, sans pareille !

Il souffrait lui-même de ce supplice que son imagination lui retraçait. Il se demandait quel horrible réveil devaient éprouver ces victimes de la léthargie, quelle folie pleine d’épouvante devait tenailler leur cerveau.

Il respira à pleins poumons et chercha à chasser de son esprit ces visions terrifiantes.

Mme de Cénac vivait ; elle était sauvée à n’en douter.

Les soins que Flack venait de lui prodiguée, s’ajoutant au cordial que le Docteur-Noir avait laissé coulé entre les dents serrées de la malheureuse… tout cela avait produit la résurrection annoncée !

Un soupir souleva la poitrine de la baronne de Cénac.

Jean-Baptiste Flack n’avait ressenti aucune gêne, en maniant ce corps nu ;