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LE VAMPIRE

Désormais, c’en était fait d’elle !

Jean-Baptiste Flack, vivement peiné de la triste issue de son sauvetage, considérait, avec une suprême commisération, la malheureuse baronne de Cénac.

Il se demandait si cette misérable créature, étendue sans pudeur devant lui, était bien la même grande dame, fière et dédaigneuse, qui avait occupé une place d’honneur dans la haute société !…

Flack resta longtemps accoudé au chevet de la pauvre femme.

Il remarqua que sa respiration était pénible et il lui offrit à boire, ce qu’elle accepta d’un signe.

Puis il la couvrit, sans qu’elle opposât de résistance.

Ses yeux se fermèrent et elle s’endormit souriante.

— Oh ! la malheureuse ! fit Jean-Baptiste Flack en tirant les rideaux du lit.

Le jour commençait à poindre.

Le domestique du Docteur-Noir était fort embarrassé.

— Où retrouver mon maître ? pensait-il… Chez lui, probablement. Il sera parvenu à escalader le mur… après avoir fait justice de ce misérable Caudirol… Quel monstre que ce prêtre !… Et il se faisait passer pour mort… Il doit l’être à l’heure présente !

Il marchait à grands pas dans la chambre.

— Je suis fort embarrassé. Cette pauvre femme est capable de mourir d’inanition, et pour de bon, cette fois-ci. Que faire ? Je n’ai rien à lui donner… Je ne sais d’ailleurs pas ce qui lui conviendrait… Du bouillon, sans doute.

Flack prit son parti sur-le-champ.

— Je cours chez le docteur…

Il sortit en refermant la porte avec soin, et il descendit jusqu’à la loge.

Le garçon de service était levé et cirait des bottines.

— Voilà dix francs, lui dit Jean-Baptiste Flack. Vous remettrez cinq francs à votre patronne pour prix de la chambre. Je vous donne le reste comme pourboire. Il faut laisser ma femme se reposer. Vous ferez monter une bonne, si vous en avez une, auprès d’elle.

— Il y a la fille de service.

— C’est cela. Vous veillerez à ce que ma femme ait du bouillon quand elle se réveillera. Pas autre chose ça lui ferait mal. Il ne faut pas faire attention à ce qu’elle pourra dire. Elle est très malade et quand je l’ai quittée, elle avait le délire.

— Pourquoi n’irait-on pas chercher le médecin ? demanda le garçon.

— J’y vais, mon ami. Ne vous occupez pas de cela…