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LE VAMPIRE

monde. D’ailleurs, il était décoré ; sa boutonnière portait le ruban d’officier de la Légion d’honneur.

— Monsieur, fit il, Je suis le baron de Cénac, député de la Bretagne… Et je puis vous assurer que vous paierez cher vos plaisanteries et vos mauvais traitements…

Un silence de mort régna dans le poste. Tout le monde était confondu. Seul, le brigadier conservait quelque espoir, pensant avoir affaire à un audacieux imposteur.

Le baron lut cette pensée dans sa physionomie et, prenant son portefeuille, il en tira quelques pièces établissant son Identité.

Du coup, le brigadier demeura abasourdi. Humblement, il se découvrit, se confondant en regrets, suppliant avec des larmes dans la voix…

— Monsieur le député… je suis au désespoir… les agents sont seuls coupables… si j’avais pensé…

Comme il bégayait ces excuses, un homme à la mine dure et sévère pénétra dans le poste, saluant légèrement, tandis que tout le monde s’inclinait respectueusement sur son passage.

C’était le commissaire de police.

— On me répète constamment que le service de nuit est déplorable, dit-il au brigadier, et j’ai tenu à m’en assurer. Rien n’est plus vrai. Vous ne faites pas votre devoir. Pourquoi ces hommes ne sont-ils pas à leur service ?… Tiens ! mais qu’y a-t-il donc ?… Que vous est-il arrivé monsieur ?…

Ces dernières paroles s’adressaient au baron de Cénac.

Celui-ci raconta tous les détails de son arrestation, en appuyant avec véhémence sur la manière odieuse dont il avait été maltraité.

Le commissaire questionna les agents, puis le brigadier…

— Monsieur le baron, dit-il enfin en jetant un coup d’œil significatif sur ses hommes, vous aurez pleine et entière satisfaction…

Les agents tremblaient maintenant devant leur prisonnier et le suppliaient du regard.

— Bien que je ne puisse prendre une décision immédiate, continua-t-il, je crois pouvoir vous affirmer que les auteurs de votre arrestation seront révoqués immédiatement, si vous le réclamez. Dans tous les cas, ils seront punis disciplinairement de la façon la plus sévère.

Puis se retournant vers eux.

— Demain, vous irez présenter vos excuses à M. le baron de Cénac, s’il veut bien les recevoir.

— Oui, monsieur le commissaire, oui, monsieur le député, firent en chœur tous les agents.

Le vagabond enfermé dans le cabanon du poste avait suivi toute cette scène, la face collée contre le guichet.

— C’est pas à moi, dit-il, qu’on ferait excuse pour avoir été passé à tabac. On me donnerait plutôt d’autres coups. Belle chose, la justice !

— Fermez ce guichet, ordonna le commissaire.

Ce fut fait.


CHAPITRE VII

La chasse à l’homme.


Quelques minutes après, le commissaire de police et deux agents accompagnaient le baron rue des Gravilliers…

Un serrurier les suivait.

M. de Cénac avait repris son sang-froid et s’était laissé conseiller par le magistrat, mis au courant de l’infidélité de la baronne.

Ils allaient opérer une constatation légale. Le baron ne voulait pas étouffer l’affaire, comme la prudence l’y engageait ; au contraire, il était décidé à pro-