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LES MYSTÈRES DU CRIME

voquer un éclat. Tout cela finirait par un procès en séparation, disait-il au commissaire de police.

— C’est la seule façon régulière de procéder, répondit celui-ci.

— Soit, mais si je n’avais pas été arrêté… je tuais la malheureuse…

— Vous voyez bien qu’à quelque chose malheur est bon, puisqu’au prix de quelques bousculades, un peu rudes, il est vrai, on vous a épargné un crime…

— J’étais dans mon droit.

— Heu ! heu !… C’est ici ?

— Oui.

Ils étaient arrivés.

Le commissaire de police s’approcha de la porte-cochère et chercha vainement une sonnette.

Il frappa. Pas de réponse.

— Au nom de la loi, ouvrez.

Rien.

Le serrurier regarda la porte. Il découvrit immédiatement le secret qu’il fit jouer sans difficulté.

— Voilà. Vous pouvez entrer. Je vais vous éclairer.

Et il alluma une lanterne.

— Monsieur le baron, dit le magistrat en ajustant son écharpe, si vous m’en croyez, vous resterez ici.

— Bien… Je garderai l’entrée et je vous réponds que personne ne passera.

Le commissaire fut pris d’une inquiétude, et s’adressant à M. de Cénac :

— Vous me promettez de ne faire aucun usage des armes qui vous ont été rendues ?

— Oui.

— J’ai votre parole… Allons, vous, messieurs, suivez-moi…

Le baron vit le commissaire et les trois hommes s’engager dans le long corridor et disparaître peu à peu comme des ombres, éclairés par la lueur de la lanterne qui dansait sous la voûte.

Malgré lui, il frissonna en se retrouvant seul dans la rue sombre et déserte.

Tout en se promenant à petits pas, machinalement, il fouilla dans sa poche pour prendre ses armes.

Un léger bruit se fit entendre. Le poignard de M. de Cénac venait de tomber.

Courbé en deux, son pistolet à la main, le baron se mit à sa recherche sans parvenir à le retrouver…

Une fenêtre du premier étage s’ouvrit doucement et l’abbé Caudirol, la face livide, apparut tout à coup…

Il se pencha et vit le baron cherchant son stylet à quelques pas de la maison. Sans perdre une seconde, il enjamba l’appui de la croisée et d’un bond de tigre il sauta dans la rue.

Il ne se fit aucun mal, mais la violence de sa chute le renversa à demi. M. de Cénac s’était retourné vivement et déjà il visait le prêtre avec son pistolet.

— Un seul mouvement et je tire sur vous, dit-il d’une voix menaçante.

Et tenant son arme toujours braquée dans la même direction, il s’approcha pas à pas…

— Quelle abomination !… C’est un prêtre !

Tandis que le baron demeurait immobile, muet de stupeur, l’abbé Caudirol envisageait sa situation en un instant. S’il restait là, on allait l’arrêter… Il serait jugé… Il ne sortirait de prison que pour monter à l’échafaud. De ce côté aucune chance de salut.

S’il tentait de s’enfuir, il était tué sur place à moins que le coup ne manquât, ce qui était peu probable : M. de Cénac le tenait au bout de son pistolet. N’importe ! mieux valait encore cette dernière alternative. Il y avait une lueur d’espoir. D’ailleurs, il préférait mourir là, tout d’un coup, à l’improviste, sans le savoir, que de souffrir de longs mois, en attendant d’aller à la guillotine tendre sa tête stupidement.

Ces réflexions passèrent dans son esprit rapides comme l’éclair. Il allait tenter la chance et se relever quand, près de lui, il distingua le poignard du baron. L’arme