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LES MYSTÈRES DU CRIME

flacon dans le cabinet du magistrat, ce jour-là, une affaire de presse se jugeait à la neuvième chambre.

La salle était comble.

Le banc des journalistes était au grand complet.

Nombre d’écrivains se mêlaient à la foule des curieux.

Les conversations s’engageaient.

— Voyez ! disait un journaliste à un confrère, je fais une description de la salle d’audience. Ce n’est pas neuf, mais ça tient de la place dans le journal. Je crois, ma parole, que les typographes escamotent ma copie. Je leur en donne toujours et ils n’en ont jamais !

Sur cette remarque, le tribunalier, — pour employer l’expression professionnelle, — se remit à écrire de plus belle.

Un colloque s’établit entre une notabilité de la presse et un avocat :

— Dites donc, faisait ce dernier, votre article de ce matin est bien joli, mais vos allégations sur X*** sont d’une adorable inexactitude.

— Que voulez-vous, très cher, la mauvaise foi est l’âme du journalisme !

Ces causeries rapides se perdaient dans le brouhaha.

Enfin le silence se fit. Le Tribunal venait de faire son entrée.

C’est à ce moment que Jean-Baptiste Flack se voyait refuser l’entrée de la salle d’audience par le municipal de service.

Il en avait profité, pour, accomplir sa substitution…

L’affaire qui se jugeait présentait un intérêt particulier, il s’agissait, d’un journal qui avait, au dire du procureur, commis le délit d’outrage aux bonnes mœurs.

Tout le monde plaignait sincèrement les prévenus d’être tombés sous la coupe d’un magistrat aussi foncièrement moral que M. Isidore Bartier.

Les réputations sont ainsi faites !

L’affaire tenait fort à cœur au ministère public.

C’était l’application d’une nouvelle loi sur la liberté de la presse.

Au banc des accusés se trouvaient l’auteur de l’article incriminé, les imprimeurs du journal, le propriétaire, le vendeur, le gérant et enfin un dessinateur qui se démenait désespérément pour établir son innocence.

— Avec la nouvelle loi, il faudrait mettre des rallonges au banc des accusés, avait dit un journaliste facétieux.

En effet une partie des prévenus étaient obligés de se tenir debout.

Le procès occupa toute l’audience.

M. Isidore Bartier, plus roide, plus pincé que jamais, prononça un jugement longuement motivé qui condamnait tous les prévenus à des peines variant entre deux années et six mois d’emprisonnement, sans parler des amendes les plus variées.