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LE DOCTEUR-NOIR

— Et c’est ça ton étoile ? fit la Sauvage d’un air de doute.

— Oui ma petite. Cette femme, je l’ai su après, est folle, mais c’est bien difficile à voir. Elle est belle au possible. Une chevelure noire, des yeux magnifiques, une femelle brûlante comme du feu, ma chère !

— Tu l’as décidée à faire le métier ?

— Ah ! bien oui, elle y a mordu toute seule ! Des hommes, encore des hommes, rien que des hommes, voilà ce qu’elle veut. Je ne sais pas ce qu’ils ont après elle tous, mais, dès son arrivée, j’ai fait des affaires d’or. Il me venait des messieurs très bien. On en parlait dans les cercles. Tout le monde disait que c’était dommage de gaspiller une si belle nature dans une maison de barrière.

— C’est à ce point-là ?

— Je te le jure. Bref, j’ai ramassé tout ce que j’avais, j’ai vendu ma boîte et je me suis installée ici.

— Et as-tu réussi ?

— C’est-à-dire que ma fortune est dix fois faite, à la condition que tout continue de marcher comme pour le moment.

— Mais c’est une maison clandestine… La police…

Mme Paulia haussa les épaules avec mépris.

— Est-ce qu’on oserait mettre son nez dans mes affaires. J’ai des comtes, des marquis, des princes, pour clients.

— Fichtre !

— Il vient chez moi des magistrats, des prélats et tout le tremblement. Enfin, veux-tu que je te dise le fin mot ?

— Quoi donc ?

— Le préfet de police m’honore de sa clientèle.

La Sauvage n’en revenait pas.

Cette rapide prospérité lui semblait merveilleuse.

Elle parla d’autre chose.

— Et ta fille ? demanda-t-elle à Mme Paulia.

— Ah ! oui, elle s’est mariée dernièrement. Elle s’appelle Mme Bléchard, à présent. Son mari est colonel.

— Prospérité complète, quoi !

— Tout à fait. Tu sais que ma petite n’est pas une dinde. Nous avons causé sérieusement et elle comprend très bien les choses. Elle vit dans le meilleur monde et, par l’entremise de son mari, elle me procure de bons clients.

— Tu es heureuse, enfin ? interrogea la Sauvage.

— Pas trop. Ah ! si tu voulais rester avec moi, comme on serait bien toutes les deux. Dis, veux-tu ?