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LES MYSTÈRES DU CRIME

— Non, je m’ennuierais. Il me faut des aventures, des amours sanglantes, des dangers.

— Folle, va !

— Que veux-tu, c’est mon caractère.

— Mais, au moins, tu ne vas pas me quitter tout de suite ?

— Non, je m’installe chez toi pour quelques semaines.

— Quel bonheur !… Je vais t’installer ici. Veux-tu que je te montre ma femme de feu. On l’appelle Démone.

— Qui est-elle ?

— Je n’en sais rien, et cela m’est bien égal.

Les deux femmes sortirent du salon et traversèrent plusieurs pièces.

Dans une vaste salle de marbre et de glace, ornée d’arbustes verts, avec une fontaine au milieu, se trouvaient plusieurs femmes demi-nues étendues sur des coussins.

La Sauvage fut émerveillée.

— C’est princier !… Ah ! cette farce, voilà Irma-la-Nonne et la Noiraude.

Elle venait de reconnaître deux filles de l’ancien établissement.

— Oui, j’ai emmené mes meilleurs sujets avec moi, fit Mme Paulia. Mais j’en ai d’autres. Tu vois, il y en a de toutes les couleurs.

En effet, toutes les races semblaient représentées dans cette haute maison de prostitution.

— Il n’y a personne, maintenant ? demanda la Sauvage.

— Des clients ? Si… mais ils sont dans les chambres. Jamais deux hommes ne se rencontrent ici. Tu comprends, c’est du beau monde et il faut prendre ses précautions. Vois-tu le coup, si mon préfet de police tombait dans les bras d’un sénateur !

Elle continua sa description.

— Voilà une chambre. Regarde comme c’est gentil. De la soie et de l’or, il y en a partout. Là-bas, il y a une petite chapelle pour les gens qui aiment à s’habiller en prêtres et à s’enfermer dans le confessionnal avec une religieuse. C’est Irma-la-Nonne qui joue ce rôle-là, à l’occasion.

La Sauvage, guidée par Mme Paulia, parcourut les diverses parties de ce lupanar, visitant la salle de bains, les boudoirs, les chambres à coucher, les salons et le buffet.

Il régnait un silence absolu dans ce lieu de débauche. Les tapis et les tentures ne laissaient filtrer aucun bruit au dehors.

Mme Paulia s’arrêta dans un couloir éclairé par des lampes et où se trouvait une collection de tableaux et de gravures obscènes.

— Tout ça, dit-elle à la Sauvage, c’est le travail de nos plus grands artistes. Dans un moment de gêne, ils sont bien contents de recevoir notre argent ; sans compter que nous payons mieux que les bourgeois, nous !