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LES MYSTÈRES DU CRIME

— Et le patron ? interrogea La Marmite.

— Il travaille à quelque chose de grand, répondit la Sauvage.

— C’est ce que Sacrais nous a dit.

— Sacrais ? Ah ! au fait, où est-il donc ?…

— Tenez, là-bas, derrière nous, avec le Nourrisseur.

En effet, les deux bandits s’avançaient en se donnant le bras.

Ils ne tardèrent pas à rejoindre le groupe.

Sacrais consulta sa montre.

— Encore quelques minutes d’attente, fit-il en entraînant à sa suite les bandits vers la prison.

La Sauvage prit son bras sans affectation et ils s’entretinrent quelques instants.

Posté à une dizaine de pas, Jean-Baptiste Flack ne perdait rien de cette scène.

Il s’attendait à voir arriver Caudirol d’un moment à l’autre.

Son attente fut trompée.

La porte de Saint-Lazare s’ouvrit, en même temps qu’à l’intérieur de la maison on entendait ce cri, répété à intervalles réguliers :

— Liberté !

Et, chaque fois, une femme apparaissait sur le seuil de la prison et faisait quelques pas sur le trottoir.

Flack remarquait l’hésitation des libérées.

Les unes restaient là, indécises, ahuries de se trouver en plein air, après de longs mois de détention.

D’autres songeaient avec désespoir aux misères qui les attendaient, seules, sans ressources, sur le pavé de Paris.

La plupart étaient joyeuses et subissaient le vertige de la liberté. Plus de geôliers, plus de sœurs pour les espionner et les maltraiter ! Elles oubliaient la misère qui les guettait à la sortie.

En passant devant le dernier guichet, un surveillant leur tendait un pain bis, appelé boule de son. Presque toutes le refusaient, sans songer que dans quelques heures la faim leur tordrait les entrailles.

Un certain nombre d’individus stationnaient devant la prison.

Des souteneurs attendaient leurs maîtresses. Des rôdeurs de barrière, en quête de femmes, essayaient de s’en procurer à bas prix, à la sortie des prisonnières.

À côté de cela, silencieux et à l’écart, des parents attendaient, eux aussi !

Une femme qui avait accouché dans la maison s’en alla les yeux baissés, en allaitant son enfant. Sous son tablier, elle dissimulait le pain noir qu’elle avait prudemment accepté.

Jean-Baptiste Flack se sentait envahi par une intolérable émotion.