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LE VAMPIRE

de ce drame poignant s’écartèrent avec respect.

Elle alla lentement vers le brancard et prenant dans ses bras, presque sans effort, le cadavre de sa fille, elle se mit à le bercer doucement en chantant d’une voix monotone ce refrain qui ne devait plus quitter ses lèvres :

Ma Pitchounette
Sera vengée…
Ma Pitchounette
Sera vengée !…

Elle était folle !…


CHAPITRE IX

La mort du curé de St-Roch

Enfermé dans le cabinet attenant au logement de la vieille Italienne, le prêtre avait pu entendre ce qui se disait dans la chambre voisine.

Il était perdu, s’il ne parvenait à conjurer ce nouveau et terrible danger.

Une issue lui restait. Nous avons dit que le réduit avait une lucarne donnant sur la cour intérieure de la maison.

Ce fut par là qu’il s’échappa, tandis que l’Italienne se précipitait pour tuer l’assassin de sa fille.

Les porteurs du brancard et les agents avaient tous suivi la vieille Marita. La cour était déserte et le curé put gagner la rue sans encombre.

Au dehors, quelques curieux stationnaient devant la maison. Ils avaient suivi le brancard.

L’abbé Caudirol ressentit une angoisse mortelle. Il croyait que tout le monde allait le reconnaître et se jeter sur lui.

Il contint son émotion et s’éloigna précipitamment sans exciter le moindre soupçon. Son accoutrement l’avait fait passer inaperçu.

Un soupir de soulagement sortit de sa poitrine. On avait perdu sa piste. Il avait déjà tourné plusieurs rues sans être poursuivi. Désormais, il était imprenable au milieu de cette grande fourmilière parisienne où il est si aisé de trouver un abri contre la justice.

— Sauvé ! répétait-il, je suis sauvé !… Quel bonheur !

Et le souvenir de ses crimes épouvantables s’effaçait de son esprit. Il ressentait une joie sans pareille. Son cœur bondissait d’allégresse.

— Libre !… Sauvé !

Un brouillard épais commençait à tomber, rendant la nuit de plus en plus obscure. Bientôt on ne distingua plus à cinquante pas devant soi.

Le prêtre s’orienta.

Il était rue Saint-Louis-en-l’Île dans la Cité.

Il lui était impossible de rôder ainsi toute la nuit. Ses forces le trahissaient maintenant. Il avait un invincible besoin de repos.

Comme il continuait sa route, luttant contre la fatigue, il fut témoin d’une scène qui ne tarda pas à l’intéresser.

Un individu assez bien vêtu, mais dans un complet état d’ivresse, marchait devant lui, titubant de droite et de gauche.

Une fille attardée le croisa.

— Eh ! dis donc, mon petit pochard, fit la prostituée, viens-tu avec moi ?… Je serai bien gentille.

L’ivrogne ne répondit que par un sourd grognement, et, le pied lui manquant sur le bord du trottoir, il roula par terre. Après avoir vainement essayé de se relever, il s’endormit bruyamment.

L’abbé Caudirol vit la fille se pencher vers le dormeur, lui prendre sa montre, fouiller dans ses poches… Après qu’elle l’eût dévalisé complètement, elle s’éloigna dans la direction de la place Maubert…

Un tonneau de vidanges approchait avec fracas, rasant la bordure du trottoir où était échoué l’ivrogne.

Le curé eut une idée infernale.

Il enleva doucement l’homme endormi et le coucha sur la chaussée, la tête dans le ruisseau.

La voiture avançait lentement ébranlant les pavés.