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LE VAMPIRE

son encoignure, avait assisté anxieux à l’écrasement de l’ivrogne.

Lorsque la rue fût redevenue déserte, l’assassin s’approcha de sa nouvelle victime.

— La tête est broyée, méconnaissable… C’est ce qu’il faut !

Et sur cette observation étrange et sinistre, faite à demi voix, il enleva prestement le pardessus du mort et s’en vêtit. Puis il habilla le cadavre avec le paletot que la vieille Italienne lui avait donné. Il échangea ensuite son chapeau ; et, enfin, après avoir glissé quelques cartes et des papiers dans les vêtements de sa victime, il reprit sa course interrompue.

Cette substitution avait été faite rapidement. Deux minutes avaient suffi au prêtre pour accomplir sa métamorphose.

Tout à coup, il s’arrêta, et menaçant le ciel de son poing fermé, il s’écria :

— Ma destinée m’y pousse : j’entre en guerre contre Dieu et les hommes. L’horreur est mon élément, le crime me plaît. C’en est fait, je vivrai en semant l’épouvante sur mes pas. L’effroi des autres sera ma suprême jouissance. Je ferai le mal pour le mal. Mon œuvre sera une œuvre de haine…

Et il ajouta avec un hideux sourire :

— Oui, je serai le génie du mal, imprenable et invincible, frappant dans l’ombre, partout à la fois et nulle part !

Il s’enfonça dans les rues du quartier Mouffetard où il disparut bientôt en jetant cette dernière menace :

— Le curé de Saint-Roch n’est plus. Du moins on le dira et on le croira… Mais Caudirol sera vivant et bien vivant… Paris !… prends garde au monstre !


FIN DU PROLOGUE