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LES MYSTÈRES DU CRIME

Comme M. Barbinette s’arrêtait, il lui fit signe de poursuivre.

— Ah ! cela vous amuse ? exclama le juge.

Le médecin inclina la tête en signe d’assentiment.

M. Barbinette changea de couleur.

— Oh ! s’écria-t-il, la justice est désarmée. Pour de tels scélérats il faudrait inventer des supplices.

Et le fougueux juge d’instruction se mit à parler de tortures effroyables. Il retraça des scènes de l’Inquisition.

Au bout d’un quart d’heure de narration, il chercha à rassembler ses souvenirs.

— Il s’agit bien de cela, fit-il d’un air sévère. Vous m’éloignez de la véritable question. Vous êtes un assassin, entendez-vous, Bartier ? La preuve, c’est que vous avez tué plusieurs personnes.

Et sur cette affirmation, M. Barbinette essaya de foudroyer l’accusé d’un regard.

Puis il reprit :

— Vous vous êtes introduit avec des complices inconnus dans un cimetière. Vous avez ouvert une tombe. Vous vous êtes emparé des valeurs qu’elle contenait. Le cadavre de la baronne de Cénac a disparu avec la fortune enfouie dans son cercueil. Au moment de vous échapper, un garde vous a barré le chemin. Vous l’avez tué, suivant votre détestable habitude ? Le pistolet qui vous a servi est retrouvé. Le voici. Il vous appartient.

M. Barbinette ajouta :

— Vous avez essayé de vous enfuir ; mais Dieu n’a pas voulu que vous échappiez à la justice des hommes ; vous ayez tué Haroux, un agent de police qui vous saisissait au nom de loi… Oui, monsieur, de la loi… de la loi ! C’est plus que criminel, c’est coquin.

On le voit, le Docteur-Noir était tombé sur un juge imbécile à qui il ne fallait pas répliquer.

M. Barbinette arrivait de province, et les écus de sa famille plus que son mérite lavaient fait parvenir au poste qu’il occupait.

À l’époque où avait lieu ce procès, on s’occupait en haut lieu de lui donner de l’avancement, autant pour être agréable à des gens riches et influents que pour s’en débarrasser.

— Comme juge d’instruction, il est impossible, avait dit le ministre de la justice. Mais à la Cour d’appel, muet sur son siège, il fera très bien.

L’affaire du Docteur-Noir devait être sa dernière instruction.

On a vu comme il s’en était tiré.

— Ramenez cet homme à Mazas ! commanda-t-il en signant gravement