Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
360
LE DOCTEUR-NOIR

Cette fois, madame Le Mordeley, lui offrit un appartement au château pendant le temps qu’il resterait à Nantes.

L’intimité commença. Caudirol raconta dans tous ses détails l’existence de sa famille pendant l’émigration. La ruine des siens et les difficultés de sa vie. Il échafauda tout un roman.

Il montra incidemment des papiers qui eussent paru incontestables même à un officier de l’état civil.

Madame Le Mordeley n’en demandait pas tant. Son engouement l’eut fait passer par-dessus tout. Elle ne douta point qu’elle ne donnât véritablement, l’hospitalité au dernier descendant des ducs de Lornières.

Caudirol était un admirable comédien. Il captiva entièrement sa trop crédule victime. Dès lors, le succès de son entreprise était assuré.

Il passait ses journées avec madame Le Mordeley et il abondait dans son sens. En qualité de prêtre, il pouvait parler avec autorité des choses de la religion. Il charma de plus en plus la dévote qui ne pouvait plus se passer de sa présence.

Lui, profond anatomiste du cœur de la femme, se gardait bien de démasquer ses batteries. Il était galant mais réservé. Il avait un air de rêverie et de tristesse contemplative qui impressionnait vivement sa victime.

Entre temps, il examinait les allants et les aboutissants du château.

Il s’était installé dans le logement qu’on lui avait offert et il attendait patiemment les évènements en guettant sa proie… Déjà madame Le Mordeley était en son pouvoir. Le personnel domestique de la vaste demeure était très limité. Caudirol aurait pu se défaire impunément de la riche héritière, si tel avait été son but. Mais son tempérament d’aventurier lui commandait d’attendre un dénouement plus romanesque.

On connaît la lettre qu’il avait écrite à sa maîtresse.

Après avoir donné l’ordre que Lydia fût ramenée à Nantes, il s’occupa de découvrir la fameuse cachette dont Sacrais lui avait révélé l’existence. On n’a pas oublié que ce bandit, ancien clerc de notaire, s’était enfui avec les papiers les plus importants de son étude. Il avait, de la sorte, appris bien des secrets lucratifs. Pendant longtemps, il avait pratiqué un chantage éhonté contre plusieurs familles dont il tenait entre les mains l’honneur et la réputation.

Sa principale découverte avait été celle des sommes enfouies dans les souterrains du château de Lormières pendant la période révolutionnaire.

Il s’agissait de trouver les moyens pratiques de s’emparer de cette fortune.

Une première tentative dirigée contre la vieille héritière de la rue Rambuteau n’avait pas abouti. Les documents précieux dont on recherchait l’existence ne tombèrent pas entre les mains des bandits.