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LES MYSTÈRES DU CRIME

la naissance de son père n’avait laissé aucun souvenir. Ces diverses circonstances favorisaient ses idées ambitieuses.

Payant d’audace, il se fit annoncer chez madame Le Mordeley sous le nom de M. de Lormières.

Cette dame, déjà sur le retour, mais qui n’avait pas renoncé à plaire, reçut avec toute sorte de démonstrations le visiteur.

Caudirol joua son rôle à merveille. Il se donna comme un descendant de l’ancienne famille des Lormières, trop peu fortuné pour porter le titre auquel il avait droit. Il donna, comme motif de sa démarche, la fuite de Lydia de chez madame Le Mordeley.

— Alors cette méchante créature a été recueillie chez vous ? demanda celle-ci.

— Non pas, j’ai seulement appris qu’elle se recommandait de votre nom. Elle est chez des étrangers, elle vit avec des bohémiens qui la garderont si vous ne la réclamez pas. D’ailleurs, elle ne mérite guère d’éveiller votre charité ; elle ne cesse de parler en mal de sa bienfaitrice.

— Oh ! voyez donc ! Je vous en prie, monsieur, dites-moi où elle est. Je m’occuperai de la faire revenir.

— Je me chargerai bien volontiers de cette mission, repartit Caudirol.

— Vous habitez la capitale, sans doute ?

— Oui, madame, je suis venu à Nantes pour affaires et, par la même occasion, je me suis permis de vous donner ce léger renseignement.

— Mais je vous en suis toute reconnaissante. Vous êtes chez vous ici. Vous avez peut-être plus de droits que moi sur cette demeure !

— Oh ! nous ne vivons plus sous l’ancien régime. Les contrats de propriété ont plus de valeur que les titres.

— Alors, vous ne cherchez pas à me déposséder ? fit madame Le Mordeley en badinant.

— Mon Dieu, non, madame. Ce n’est pas le château que j’envierais.

— Bah ! et qu’est-ce donc ?

— Qui sait !… la châtelaine.

Madame Le Mordeley rougit de plaisir.

Ce fut ainsi que se termina cette première entrevue.

Caudirol avait produit son effet. Madame Le Mordeley resta sous le charme irrésistible et étrange de cet homme.

Elle ne cesse plus de penser à son illustre visiteur.

Cette pauvreté fière, cette distinction aristocratique, cette beauté mâle et enchanteresse, cette onction à la fois respectueuse et galante, tout cela contribua à faire perdre la tête à la pauvre femme.

Caudirol revint à la charge.