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LE DOCTEUR-NOIR

Avec cette pièce entre tes mains, un agent de la sûreté pouvait venir prendre un détenu.

Le plan de Jean-Baptiste Flack était simple autant que téméraire.

Il s’était donné comme brigadier de la sûreté et cette qualité pouvait lui servir à l’occasion pour jouer M. Cuplat.

Dès qu’il eût en sa possession le document soustrait rue de Rennes, il commença à se livrer en cachette à un véritable travail de chimie.

Il compulsa les livres de son maître et, après des recherches patientes et attentives, il se mit à composer des produits capables d’enlever l’encre la plus résistante sur une feuille de papier, sans laisser de traces appréciables.

Après quelques tentatives, il entreprit sa dangereuse besogne.

Il avait un ordre d’extraction ; or, il ne s’agissait de rien moins que d’enlever la date, le nom et les indications existantes, pour les remplacer par la formule nécessaire à la sortie du Docteur-Noir.

Muni de cette pièce, Jean-Baptiste Flack devait se présenter au greffe de Mazas.

C’était à la fois un faux et une usurpation de fonctions.

Mais, dans l’exaltation de son dévouement pour son maître, le brave garçon ne songeait guère à la responsabilité qu’il encourait s’il ne réusissait pas.

Après avoir accompli son dangereux travail, il remplit, d’une écriture délibérée, les endroits qu’il avait lavés.

Puis il examina avec soin son papier.

À part quelques légères teintes jaunâtres qui ne se percevaient point à première vue, le document était irréprochable.

Jean Baptiste Flack voulut éprouver son talent de faussaire.

Le lendemain de l’arrivée de Lydia dans la villa du Docteur-Noir, il descendit triomphalement en agitant sa précieuse feuille de papier.

Madeleine était seule dans la maison.

Elle tendit la main à Jean-Baptiste Flack et, l’attirant vers la fenêtre, elle lui montra les jeunes gens…

Georges et Lydia étaient dans le jardin.

Ils marchaient doucement en causant.

— Elle est sortie bien tôt, cette enfant, fit le domestique du Docteur-Noir.

— En effet, l’air est vif ; elle pourrait prendre froid. Je vais les appeler. Mais, n’est-ce pas, qu’ils sont charmants ?

Jean-Baptiste Flack regarda un instant le jeune couple et sourit.

— Oui, murmura-t-il ; ils sont heureux maintenant. Pauvres petits, le malheur les a déjà trop éprouvés.

Et, passant à un autre sujet :

— Dites donc, Madeleine, que dites-vous de ceci ?