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LE DOCTEUR-NOIR

Occupons-nous maintenant de la population qui remplit, Mazas et dont le roulement est de 10,000 individus par an :

Il est bien mêlé et divers le monde louche et déguenillé qui grouille dans les prisons.

Il se compose, certes, de plus de victimes que de coupables.

Quand l’hiver est dur, quand le pain est cher, les arrestations augmentent dans d’énormes proportions.

On peut dire que les trois quarts des emprisonnés méritent toute espèce d’intérêt.

Qu’on en juge :

Les délits qui, par leur nombre excessif, dominent tous les autres réunis, sont le vagabondage et la mendicité.

Viennent ensuite, dans des proportions relativement faibles, le vol, l’escroquerie, la filouterie, la rébellion contre les gardiens de la paix, les coups et blessures, l’adultère, l’outrage aux mœurs, les vols qualifiés et l’assassinat.

Du côté des femmes, c’est la prostitution qui fait nombre.

Et encore faut-il ajouter que, sur une moyenne de cent personnes écrouées, il n’y a pas vingt femmes. Ceci soit dit à l’honneur du sexe faible.

Par an, dans le seul département de la Seine, il y a 80,000 arrestations et mandats d’amener, exécutés ou non ; les quatre cinquièmes de ces prévenus sont illettrés.

La profession qui tient la corde, comme chiffre est celle des journaliers.

Incontestablement, dans la majeure partie des cas, les choses se passent ainsi : un individu quelconque est arrêté pour un fait sans gravité — insultes aux agents, par exemple — on le juge et on le condamne. Il a perdu son travail, il n’a plus de références à donner, il est à l’index. Le voici sans pain et sans gîte. On le ramasse de nouveau, pour vagabondage, et ainsi de suite. Il est récidiviste. En prison, il se corrompt par le mauvais exemple ; il apprend la théorie du vol, et, une fois en liberté, il passe à la pratique. C’est un homme perdu, il roulera de prison en centrales pendant le restant de ses jours.

Voilà comme on commence et voilà comme on finit.

On entre dans cette voie funeste par entraînement ou par nécessité. Puis, l’habitude aidant, on y reste par goût. Cela devient une profession. En argot, ne dit-on point « travailler » pour voler ?

Dans cette partie, comme dans toutes les autres, il y a de véritables artistes. Il y a même des philanthropes et des soutiens de famille parmi les assassins les plus émérites.

Rafinat volait avec effraction au bénéfice de ses braves parents, qui ne se