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LE DOCTEUR-NOIR

Lucien Bartier haussa les épaules.

— Que m’importe, après tout, dit-il. Cette fortune aurait été une attache pour moi. Elle me créait des devoirs et des charges dont je me trouve dégagé. Je n’aurai pu, dès maintenant, mettre mon projet à exécution.

— Nous allons partir.

— Oui, fit le Docteur-Noir, dans quelques jours nous nous embarquerons pour l’Amérique. Nos ressources sont suffisantes pour nous permettre de nous établir là-bas.

— C’est égal, observa Flack, ce n’aurait pas été un mal de découvrir les millions. Qui diable a pu mettre la main dessus ?

Le Docteur-Noir secoua la tête d’un air indifférent.

En réalité, il n’était nullement fâché de voir s’évanouir ces millions. Il répugnait à cette nature loyale et désintéressée de se trouver le dépositaire d’une pareille fortune…

Une semaine s’écoula.

Georges et Lydia s’attachaient plus invinciblement l’un à l’autre.

Un jour, à table, le Docteur-Noir les interpella en souriant :

— Eh bien ! et nos amours, comment vont-ils ?

Les jeunes gens devinrent rouges comme des pivoines.

— Mais, balbutia Georges.

— Écoutez, mes enfants, dit le Docteur-Noir, je vous ai bien examinés l’un et l’autre. Vous êtes de braves cœurs et le malheur loin de vous nuire vous a rendus meilleurs. Georges m’a demandé votre main ma petite Lydia… Voulez-vous être à lui.

Lydia baissa la tête sans répondre.

— Allons, un peu de courage, lui dit le Docteur-Noir.

— Oh !… Oui ! fit-elle en relevant ses beaux yeux illuminés par une joie profonde et naïve.

— Soit, à partir de ce jour, vous êtes unis. Votre mariage ne sera célébré ni à la mairie ni à l’église. Ce sera une double garantie de bonheur. J’ai bien réfléchi à cela, et je crois fermement que l’amour n’est beau et durable que dans la liberté. D’ailleurs, mes enfants, la loi n’est plus faite pour nous. Vous ne pourriez pas, même si vous le vouliez, être mariés régulièrement en France. Venez avec moi dans la libre Amérique, et là, l’un à l’autre par la seule puissance de votre inclination mutuelle, vous serez aussi respectés qu’ici après vous être soumis à la mascarade du mariage civil et religieux. Est-ce votre pensée ? Oui, n’est-ce pas. Eh bien, vous, Georges, voici votre compagne ; Lydia, voilà votre époux.

C’est ainsi que fut conclue l’union de ces deux jeunes gens, dont nous connaissons les malheurs.

Lorsque le Docteur-Noir eut fait part de cette nouvelle à Jean-Baptiste