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LES MYSTÈRES DU CRIME

De nouveau elle se trouva en proie à une misère noire.

Elle fut arrêtée comme vagabonde et condamnée à huit jours d’emprisonnement.

On l’envoya à Saint-Lazare. Elle en sortit avec un métier : celui de prostituée.

Elle se vendit à des enfants, exécrant les hommes avec trop de force pour vouloir leur servir d’instrument de plaisir.

On la surnomma un moment la môme aux gosses.

Abrégeons ce récit.

Elle rencontra une affection vraie chez un de ses amants, qui vola ses patrons pour la retirer de la fange. Le malheureux fut arrêté, mais il se donna la mort pendant qu’on le conduisait au poste de police.

On transporta son cadavre à Saint-Louis.

La Sauvage s’était jetée sur le corps de son amant qu’elle avait suivi jusqu’à l’hôpital.

Elle adorait ce jeune homme.

Cet évènement changea le cours de ses idées. Elle alla chercher des consolations dans le monde des repris de justice, où elle pouvait assouvir sa haine contre la société qui l’avait perdue.

Elle avait une nature indomptable qui se révéla dans ce monde des bas-fonds.

C’est ainsi qu’elle devint l’héroïne que nous avons entrevue.

Cela dit, pour expliquer ce qu’était la maîtresse de Général, le condamné à mort, revenons à la scène qui nous occupe.

Le compagnon de la Sauvage n’avait pas produit un effet moindre que celle-ci.

Les bandits regardaient avec une sorte de curiosité mêlée de respect ce nouvel affilié qui devait les diriger dans la voie infâme qu’ils suivaient.

L’homme avait repoussé son manteau.

On pouvait examiner ses traits d’une beauté sinistre, son teint pâle, ses cheveux noirs et son front dominateur.

— Par exemple ! s’écria le Nourrisseur, voici M. Renaud, si j’ai bonne mémoire. Un locataire de madame Peignolle.


— En effet, dit la Sauvage, c’est lui. Mais peu importe ! Moi, je le trouve digne d’être mon amant… Est-ce que cela vous suffit ? Est-il votre chef ?

Les bandits se consultèrent du regard.

Sacrais prit la parole pour tous.

— Celui que la Sauvage a choisi doit être un homme. Nous acceptons.

— Et quand on aura besoin d’un gaillard, à l’occasion, dit Tord-la-Gueule, je suis là. S’il est à la coule, moi, je suis d’attaque.

L’amant de la Sauvage eut un sourire.