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LE VAMPIRE

Quelque temps après cet abominable attentat, la malheureuse s’aperçut qu’elle était enceinte.

Elle n’osa point avouer son malheur à ses parents.

Affolée, désespérée, la Sauvage (car elle portait déjà ce surnom à la campagne où elle était née), la Sauvage, disons-nous, alla trouver le misérable qui l’avait souillée.

Elle ne l’avait plus revu depuis l’ignoble scène du confessionnal.

La Sauvage lui dit sa situation en lui jetant son mépris à la face.

Le curé prit peur et, pour éviter un scandale inouï, il engagea la pauvre petite paysanne à gagner la capitale. Il lui remit une somme légère pour son voyage, et l’enfant, alors âgée de quatorze ans, quitta son pays pour toujours.

À Paris, la Sauvage s’était trouvée tout d’abord en proie à une misère horrible contre laquelle elle lutta courageusement.

Elle se fit servante chez des bourgeois.

Mais, au bout de quelques mois, il lui fut impossible de dissimuler sa grossesse.

Ses patrons la chassèrent en l’accablant d’outrages.

Elle était sur le pavé de Paris, avec une trentaine de francs à peine. Elle subsista pendant près de quinze jours avec cette modeste somme.

Le moment terrible vint où les douleurs de l’enfantement se firent sentir.

La malheureuse n’avait plus de gîte. Elle avait dépensé son dernier sou.

Elle errait dans les rues sans dormir ni manger.

Enfin, elle alla frapper à la porte de la Maternité qui ne lui fut pas ouverte.

— Il n’y a plus de place à la Bourbe ma petite, lui dit un interne. Va voir à la Clinique.

Elle se traîna jusqu’à la Clinique de la rue d’Assas où on ne voulut pas la recevoir.

Alors, épuisée de souffrances et de fatigues, étouffant ses cris dans son gosier, comprimant avec ses mains son ventre en travail, titubant, voyant gris, elle marcha jusqu’à ce que, exténuée, elle s’affaissa dans la rue.

La nuit était tombée humide et froide…

Un grand cri attira l’attention d’agents qui faisaient leur ronde.

La Sauvage venait d’accoucher sur un tas d’ordures et gisait dans une mare de sang.

Le nouveau-né ne vécut que quelques instants.

La jeune mère fut emportée jusqu’à l’hôpital Saint-Antoine où elle fut reçue d’urgence.

La Sauvage après plusieurs semaines de soins vit sa santé se rétablir.

Elle sortit guérie de l’hôpital.