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LE VAMPIRE

Caroline, qui s’était retournée, poussa un cri affreux en apercevant son mari.

— Pitié ! supplia-t-elle en se jetant à ses genoux.

Le Docteur-Noir la renversa.

Il avait jeté son pistolet et tenait dans sa main droite un poignard.

Il allait en frapper sa femme.

— Je te fouillerai le cœur, misérable ! hurla-t-il en proie à une fureur concentrée en élevant son arme.

Caroline eut une supplication suprême.

— Oh ! grâce !… grâce… Vous êtes si bon… Non, je ne veux pas mourir… grâce !… Je t’aime… Je te le jure…

Lucien Bartier la repoussa avec dégoût.

— Putain ! dit-il entre ses dents.

Cette lâcheté de sa femme l’avait désarmé. Il la regardait avec mépris…

Toute cette scène avait eu lieu en moins de temps que nous n’en mettons à la retracer.

Partout l’alarme était donnée.

On envahissait la loge, on se bousculait, on s’écrasait dans les couloirs.

Pour le public du high-life, c’était un régal sans pareil.

Le Docteur-Noir regarda tout ce monde avec assurance et, désignant le cadavre de M. Véninger, il dit :

— Cet homme… un magistrat !… était l’amant de ma femme : je l’ai tué. C’était mon droit.

On avait prévenu l’autorité.

M. Lucien Bartier fut arrêté sur place. On y mit des formes toutefois, car on avait affaire à un homme du monde.

Caroline fut également invitée à venir au commissariat de police.

On emporta le cadavre de M. Véninger…

— Décidément, ça va bien, dit un reporter de journal. Au lendemain de l’affaire Caudirol, voici une nouvelle tragédie greffée sur un scandale… Le métier devient facile ; nous ne serons pas de si tôt à court de copie.

La foule s’écoulait, houleuse…

On avait interrompu la représentation.

Transportons notre récit au bureau du commissaire du quartier de l’Opéra.

M. Lucien Bartier, sa femme et plusieurs témoins du meurtre sont présents.

Le commissaire a été rapidement mis au courant de l’affaire.

C’est un petit homme violent, au visage apoplectique. Il est dans une colère furibonde.