Page:Moselli - La Fin d'Illa, 1925.djvu/3

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abattre un homme d’un coup de poing ou à lamper d’une haleine une pinte de whisky qu’à calculer correctement une droite de hauteur.

Peu importait. Le Grampus naviguait en plein Pacifique, loin de toute terre, et quelques milles d’erreur ne pouvaient nuire en rien.

Accoudé à la lisse, une pipe en bouche — un véritable brûle-gueule, dont le fourneau, vraiment, se trouvait à moins de trois centimètres de ses lèvres — le capitaine Ellis, un petit homme large et trapu, songeait mélancoliquement que, depuis dix-sept mois et demi que le Grampus avait quitté Norfolk pour la pêche à la baleine, il n’avait pas eu la chance de rencontrer un seul de ces cétacés. Non. Pas un seul.

Pour peu que cela continuât, il faudrait revenir et chanter comme le légendaire Cachalot : « Nous n’avons rencontré ni baleines ni baleineaux ; nous avons fait le tour du monde, notre cale est vide, et nous sommes sans un sou, mais nous avons eu un damné beau temps ! »

Pour l’instant, de l’espoir restait... Ellis comptait bien rencontrer des baleines dans les environs des îles Fanning. Mais il se méfiait, craignant que, s’il approchait trop de terre, son équipage, rassasié de coups et de morue salée, n’en profitât pour déserter...

— Oui, un damné bon voyage ! maugréa-t-il