Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/143

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Dorothée, une mèche de cire à la main, se hâta d’allumer les bougies : du coup le reposoir flamba, comme un brasier, jetant dans le soleil la clarté de ses flammes jaunes. Parfois un coup de vent passait, la nappe ardente s’avivait de lueurs bleues. On eût dit que les flammes allaient s’éteindre, puis elles montaient de nouveau.

La procession apparut.

Sous un dais de velours cramoisi, coiffé de plumes blanches, le Saint-Sacrement s’avançait, porté par un vieux prêtre dont les mains étaient voilées d’un tissu de lin. Le vieillard semblait plier sous le poids de la chape de brocart, dont les plis somptueux se cassaient derrière lui. Le lourd ostensoir d’or flamboyait dans l’ombre, comme un soleil.

Dorothée se signait à tour de bras, ses grosses besicles penchées sur un antique missel à fermoir de cuivre, marmottant les paroles latines avec ferveur. Marthe priait, anéantie.

Ainsi le Dieu s’avançait dans la splendeur de la lumière, dans la sérénité du jour, le Dieu qui aime l’ombre des temples, le recueillement des tabernacles voilés d’or, le silence des églises où vacille la lueur de la lampe éternelle.

Un grêle tintement de sonnette se fit entendre.

Le vieux prêtre gravit lentement les degrés du reposoir. Il plaça le Dieu tout en haut, parmi les flammes du brasier et, s’agenouillant devant sa majesté muette, parut s’abîmer dans un acte d’adoration.

Il se fit un grand silence.

Le ciel bleu s’ouvrait, de grands souffles venus du fond des campagnes balayaient l’espace. On eût dit