Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/190

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noyaient à la cime des roseaux d’un vol oblique, hésitant, oscillant régulièrement comme un balancier. Ils cherchaient une place pour se poser et passer la nuit, et quand ils l’avaient trouvée, tous descendaient à la fois et les profondeurs de l’étang s’animaient soudain de leur piaillement confus, de leurs voix jacassantes.

La barque filait au ras des eaux.

Les roseaux s’entr’ouvrirent, laissant voir un carré de prairie, grand comme un mouchoir de poche, entre de grands peupliers, de vieux arbres dont les cimes allongeaient dans le ciel la maigreur de leurs branches mortes, tandis que le bas, encore très vigoureux, était couvert d’un feuillage dru. Une baraque de planches, à la toiture ruineuse, reposait là avec un grand air de lassitude et d’effondrement. Et tout cela était si calme, si lointain, si caressé de mystérieuses clartés, l’herbe paraissait si douce aux pieds, fleurie de cochléarias pâles, dont les grappes tachaient le jour mourant, que Marthe aurait voulu aborder, s’asseoir sur le pré, y rester de longues heures.

Un grand filet, étalé sur des pieux, séchait, rayant la nuit du tissu de ses mailles blanches. Un vieux allait et venait tout autour, occupé à le raccommoder avec une aiguille de buis, qu’il maniait avec des gestes déliés de ses gros doigts.

Dominique l’avait reconnu :

— Tiens, c’est Jean-Baptiste, fit-il. Comment qu’ça va ?

L’autre, ayant levé la tête, s’était approché du bord de l’eau. C’était un vieux pêcheur du village de Pierre-sous-Treiche, le village voisin, dont les cloches mourantes sonnaient l’angélus, derrière le rideau de peu-