Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/195

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Le vieux garde, fixant ses yeux pâles sur le rougeoiement des braises, fumait sa pipe, sans mot dire. Dominique était assis à côté de lui sur une chaise basse. Le garde se mit à geindre : le service était dur, ses jambes perclues de rhumatismes ne voulaient plus avancer, il vieillissait. Jamais il ne l’avait senti comme ce jour-là, où il avait dû faire une grande tournée dans les bois de Mont-le-Vignoble, une commune éloignée, perchée au diable, au delà de la rivière.

Une jeune chienne épagneule, aux poils blonds et soyeux, à qui deux taches de feu sur les yeux donnaient un air intelligent, bâillait voluptueusement devant la flamme.

— C’est à vous, ce chien ? demanda le vieux Dominique.

— Non, dit Jacques Thiriet, c’est M. le conservateur, qui me l’a donné à dresser.

— Un beau chien, dit Dominique, par manière de politesse.

— Je crois bien, dit le garde. Ça vaut dans les cinq cents francs, une bête pareille. J’ai chassé avec un officier de dragons qui les payait ce prix-là, en Angleterre.

Et Dominique reculant sa chaise, considéra cette fois l’animal avec étonnement et respect, à cause de la somme considérable. La bête, soulevant de son museau la main ridée du garde, balayait le sol de sa queue, ayant l’air de comprendre qu’on parlait d’elle.

Mais le poisson étant cuit, on se mit à table. Ce fut une bonne soirée. Assis en face l’un de l’autre, Pierre et Marthe se souriaient, et leurs yeux se cherchaient dans l’ombre qui noyait la pièce, au-dessus du large