Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/197

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grands peupliers s’y allongent avec le soir, et tournent lentement, à mesure que passent les heures.

Puis ce sont des crépuscules aux clartés interminables. Le soleil est couché depuis longtemps qu’une lumière transparente et bleue baigne encore les choses, qui ont l’air de s’envelopper, avant le sommeil, de repos et de silence. Et les nuits viennent, claires comme des jours. On dirait que le soleil s’attarde au-dessous de l’horizon et continue à verser dans le ciel une lumière affaiblie, et parfois aussi ces nuits sont si trempées de rosée, que le firmament apparaît comme un globe de cristal bleuâtre, tout ruisselant de l’humidité nocturne : alors la nuit se fond en invisibles tendresses.

Pierre et Marthe allaient se promener dans les chènevières ces soirs-là ; quelques bruits montaient encore, étrangement vibrants dans la sonorité de l’air calme : une gaffe qui tombait au fond d’un bateau, une pierre à aiguiser passant sur l’acier d’une faux, le chant d’une caille, appelant sa couvée au creux d’un sillon.

Les seigles déjà grands ondulaient sous des souffles imperceptibles, entre-choquant leurs têtes barbues, avec un froissement doux et monotone. Des pièces d’avoine alternaient avec des carrés de blé, d’un vert léger et tendre, où les souffles légers creusaient des houles.

À de certains soirs tous les oiseaux chantaient avant de s’endormir. Les rossignols s’étaient tus, ayant élevé leurs couvées. Mais parmi le pépiement des moineaux, nichés dans les fentes des vieux murs et sous la tuile des toits, le chant du loriot gorgé de cerises sonnait parfois, comme un grand cri vibrant de volupté, un chant profond et tendre, qui faisait palpiter le cœur immense de la nuit.