Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/223

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À chaque instant des trains passaient, trouant la campagne de leur rumeur, filant à toute vapeur vers des destinations inconnues. Des chalands glissaient au ras de l’eau, fouillant les berges de leurs fanaux rouges et verts, comme les prunelles d’une bête monstrueuse. Des ouvriers revenaient des usines et des forges, et dans la nuit tiède les patois heurtaient leurs sonorités différentes…

Pierre allait au hasard, rêvant à des choses… Puis, quand il rentra, comme le sommeil était long à venir, il resta longtemps couché sur le dos, suivant machinalement des yeux le rayon de lune qui, glissant par la lucarne, faisait une longue traînée blanche sur les murs…

Dans une anse formée par une sinuosité du Madon, les chalands étaient amarrés.

C’était comme un village flottant.

Ils étaient là, les chalands, rangés le long des berges encombrées de tas de graviers, rattachés à la rive par des amarres de corde nouées à la tige des ancres à demi enfoncées dans le gazon, serrant l’un contre l’autre leurs flancs ventrus entre lesquels l’eau passait, furtive, attirante, sans cesse chatoyante des reflets diversement colorés que les peintures criardes y laissaient traîner.

Ils étaient là, les chalands, de toute grandeur et de toute taille, venus de tous les coins de la France, des plaines du Nord et des bords du Rhin, formant, dans