Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/237

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bêtes inquiètes fuyaient dans les roseaux. De temps à autre, une motte de gazon, détachée par le courant, tombait dans l’eau, et c’était un grand bruit, qui secouait tout ce silence.

Pierre, depuis quelque temps, se disait qu’il fallait être entreprenant, sous peine de paraître niais. Il attira la belle fille contre lui ; ses mains, agrippées au corsage, sentirent la rondeur ferme de la jeune poitrine.

Elle résista, se débattit avec une douceur résolue : « Bas les pattes, ou je m’en vais. » Son ton était si ferme, qu’il ne revint pas à la charge.

Il lui prit la main ; elle tenta de la retirer, puis l’abandonna, et Pierre, avec une émotion très douce, sentit cette petite main, prisonnière de la sienne, qui faiblissait, se donnait, se faisait tout à coup confiante. Et cette caresse pénétra jusqu’au fond de son être.

Il était très tard quand il la reconduisit au chaland, où elle habitait. Tout dormait dans le village.

Elle remercia Pierre de sa galanterie, et s’engagea sur la passerelle.

Pierre restait sur la rive, décontenancé, regrettant il ne savait quoi.

Il lui dit, d’une voix faible :

— Eh bien, se quitte-t-on ainsi ?

Elle revint rapidement, de ce pas léger qui faisait à peine plier la planche mince, et comme Pierre ouvrait ses bras et tendait sa joue, il sentit qu’elle lui donnait ses lèvres. Ce fut un long baiser où leurs souffles se mêlèrent. Elle se dégagea et s’enfuit.