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Les champs trempés de rosée s’allumaient de clartés errantes. Une pièce d’avoine, qu’on n’avait pas encore moissonnée, était un fouillis de graines blondes, où scintillaient des gouttes d’eau. Les scabieuses de velours pâle et les mélilots dorés se redressaient, vivifiés par les eaux nocturnes.

Ils traversèrent le petit village accroché au flanc de la côte. Les rues étaient balayées par les sons grêles d’une cloche, sonnant le premier coup de la messe. Sur le devant des maisons, de jeunes gars se tenaient, graves et cérémonieux, vêtus de leurs habits de dimanche, et des petites filles, aux figures joufflues, avaient leurs boucles blondes enchevêtrées de papillotes.

Le sentier devint abrupt et rocailleux : ils montaient sans peine, rafraîchis par l’air vif.

Un rapprochement involontaire se fit dans l’esprit de Pierre, entre cette course matinale et ses promenades avec Marthe, quand ils allaient inviter leurs parents aux noces prochaines. Comme tout cela était loin ! À la pensée qu’il s’était évadé de ce passé maussade, une joie puissante l’envahit et sa poitrine se gonfla, aspirant l’air des sommets et les grands souffles aventureux. Comme la vie s’ouvrait large devant lui, aux côtés de cette créature splendide, qui était déjà sa femme de chair, dont la possession ne le lasserait jamais ! Comme il avait eu raison d’écouter les regrets inavoués, les instincts blottis dans son cœur, qui lui donnaient le dégoût de cette existence casanière, avant même de l’avoir vécue.

Emporté d’un élan de reconnaissance, il se tourna vers Thérèse et lui tendit les bras.

Ils s’aimaient tellement que les moindres gestes pre-