Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mains de baisers rapides. Rieuse, elle lui jeta de l’eau à la figure.

Enfin ils débouchèrent sur le plateau.

De cette hauteur, on la voyait presque tout entière, cette terre lorraine.

Rude terre ! Alors elle s’imprégnait de lumière, se pénétrait de chaleur, si douce au sortir des hivers de glace. De là-haut, on la voyait très bien, déroulant ses flancs avec une ampleur puissante, comme si elle prenait plaisir à s’étendre et à s’étirer sous la caresse fécondante de l’astre. Et tout ce qui montre sa vieillesse, tout ce qui est si lamentable par les jours de pluie, les calcaires blancs qui trouent le maigre sol, les roches moussues où suintent des traînées d’humidités verdâtres, tous ces vieux ossements de la terre, éclaboussés de soleil, vibraient, vivaient, flottaient dans une montée d’air chaud. L’horizon lointain, dont la ligne tremblait, semblait se relever comme les bords d’une coupe immense, pour contenir toute cette joie de la lumière, cet or profond qui ruisselait du ciel.

Les tronçons de la forêt de Haye, vus de cette hauteur, avaient l’air de se rejoindre. Les bois de hêtres et de chênes géants n’étaient plus qu’une rude toison, qui avait poussé sur les flancs de la terre. Dans les parties cultivées, des champs entiers de coquelicots semblaient arrosés de sang, une pourpre chaude qui aurait jailli du sol. Les hauts promontoires du val, les falaises qui se dressent au bord des eaux, comme des choses éternellement vigilantes, dormaient dans un recueille-