Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/286

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vieilles la plaignaient, s’essuyant les yeux du coin de leur tablier. Une grosse mouche bleue, qu’on chassait en vain, voltigeait autour de sa tête avec un bourdonnement monotone.

Puis on l’emporta, une longue traînée d’eau s’égouttant sur la poussière du chemin et marquant le passage du lugubre cortège.

Dans la maison, autrefois si joyeuse, ce fut l’irruption des gens du village. Des femmes affairées, comme il s’en trouve dans ces circonstances, donnaient des ordres, ouvraient les armoires, en tiraient du linge pour la funèbre toilette : le vieux garde forestier et sa femme, anéantis, les yeux secs, laissaient faire tout ce monde, comme s’ils avaient été étrangers, dans leur propre domicile.

Quand on l’eut lavée à grande eau, et qu’on eut nettoyé toutes les souillures de la vase, alors on la vit mieux. Ses traits hagards exprimaient encore l’horreur suprême, et ses yeux, tournés en dedans, avaient une expression indicible d’égarement et de tristesse.

Une voisine ferma ces yeux, jadis brillants de vie, qui avaient reflété dans leur profondeur transparente toutes ses émotions, toutes ses pensées, toutes ses joies, comme l’eau se colore de l’éclat changeant des nuages. On la porta sur son lit, dans sa belle chambre de demoiselle, et on lui mit entre les doigts un rosaire à gros grains.

La même femme, toujours affairée, gardant au milieu de la consternation universelle une certaine désinvolture, comme si elle avait eu l’habitude de ces choses, prépara une petite table, qu’elle recouvrit d’un linge blanc, et y déposa une bougie allumée, un grand cru-