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lant du ciel, de larges manteaux de fleurs aux couleurs éclatantes, des odeurs tournoyant sur l’alanguissement universel des choses. Mais dans la pauvre Lorraine, les premières fleurs naissent, frileuses et transies, au fond des taillis où les neiges s’amoncellent.

Rien n’égale le charme mélancolique des longs hivers finissants, alors que des clartés semblent rôder continuellement au bord de l’horizon, et n’osent pas venir.

Marthe comptait les jours sur ses doigts, trompant son impatience par des calculs. Ne reviendrait-elle jamais, la saison qui ramènerait Pierre ? Elle avait l’habitude, comme tous les campagnards, de suivre la marche des saisons par le progrès des végétations successivement épanouies.

Déjà dans les taillis, alors que les arbres ruisselants étaient vêtus de mousses humides et que les branches se teintaient à leurs extrémités de nuances violacées, le joli bois devait montrer sa quenouille de fleurettes roses. Puis ce seraient les anémones, si frêles que leur neige se fond, au seul contact des doigts.

La belle saison tout à fait revenue, ce seraient des crépuscules sans fin, baignés de lumière blanche, rayés du vol criard des hirondelles rasant la terre, et les peupliers verseraient de grandes ombres sur la prairie.

Alors il serait là tout près d’elle, appuyé sur le rebord de la fenêtre, lui faisant sa cour : il lui jouerait encore tous les tours, toutes les farces maladroitement tendres, qui sont familières aux campagnards. Il lui volerait ses ciseaux de dentellière et le ruban de son bonnet, qu’il glisserait furtivement dans sa poche.

Elle était si impatiente de voir arriver ce moment,