Page:Moselly - Terres lorraines, 1907.djvu/89

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qu’il lui prenait des envies d’aller secouer la grande boîte de l’horloge, dont le tic tac emplissait la chambre.

La semaine sainte était arrivée et les deux pêcheurs devaient rentrer pour le jour de Pâques. Marthe l’avait appris de Guillaume, qu’elle avait rencontré un soir. Il marchait par les rues, pareil à un gros insecte, avec ses jambes de bois grêles.

Une tristesse descendait sur la terre lorraine, aux jours saints. Le Dieu mourait véritablement. Pour fêter le jour des Rameaux, il n’y avait dans l’église nue que des touffes de buis cueilli par les matins pluvieux : leur senteur amère se mêlait à l’encens. Un à un, les cierges s’éteignaient, laissant les ténèbres envahir la nef profonde et toutes les croix étaient voilées.

Et sur toutes ces choses, planait une impression de mort, un silence d’une tristesse infinie. Les champs, les bois, le monde entier paraissaient s’abîmer au sépulcre où reposait le cadavre d’un Dieu.

Alors c’était par les rues une procession de femmes, vêtues d’étoffes grises et coiffées de laine noire, qui allaient prier, se relayant d’heure en heure, pour qu’il y eût toujours devant la passion du Dieu un murmure d’adoration et de ferveur. Vers le soir, elles s’agenouillaient dans le confessionnal vermoulu d’où sortaient des froissements de surplis et un chuchotement de paroles.

Marthe allait prier. Elle n’était pas dévote, car la religion se perd dans les campagnes, mais comme tous