recommencèrent, ils se séparèrent pour ne pas faire causer « les mauvaises langues ». Mais leurs regards se rencontraient, et ils échangeaient chaque fois un furtif sourire de tendresse.
Une cloche sonna au loin, et toute l’assistance partit aux vêpres.
On ne célèbre guère les offices que ce jour-là, dans cette chapelle perdue au milieu des bois. Les murs rongés de salpêtre laissent suinter les eaux montant de la terre et s’écaillent par larges plaques verdâtres. Sur les dalles usées par les pas des générations traîne un reflet vague de jour qui tombe des vitres troubles, obstruées par les touffes d’orties qui croissent derrière les vieux murs. Tout y sent la pauvreté et la tristesse : les napperons de l’autel élimés et troués qu’on sort ce jour-là des tiroirs de la sacristie, les flambeaux de bois dédoré, rongé des vers. À la voûte est suspendu un ex-voto bizarre, qui étonne au milieu de ces populations terriennes, une galère aux voiles blanches, usées par le temps et la poussière, portant sur son château d’avant des personnages de bois peint, sans doute quelque offrande d’un très ancien seigneur, échappé aux périls de la mer, d’un seigneur dont personne ne sait plus le nom, dont personne n’a gardé le souvenir.
Dans cette chapelle, c’était toujours la même histoire d’amour recommencée par les simples, qui n’ont pas l’idée des profanations et ne craignent pas les sacrilèges. Bien des œillades s’échangeaient d’une rangée de bancs à l’autre, côté des hommes et côté des femmes. On chantait distraitement les cantiques et des yeux se levaient des missels, guettant un regard.