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Par la porte restée grande ouverte, le chant des psaumes s’envolait, traînait dans la prairie, passait sur les haies d’épine blanche, puis allait se perdre tout au loin sur la côte, parmi les sapins et les ruchers, ouverts au grand soleil.

La danse recommença. De temps à autre des couples allaient se rafraîchir dans le jardin de maître Charmois, sous les tonnelles longeant le jeu de quilles. Des pousses verdissantes de houblon s’enlaçaient aux lattes du treillage.

L’aubergiste accourait. Plié sur ses genoux, il y serrait les bouteilles, comme dans un étau, et les débouchait d’une poigne solide. Des bouchons de limonade sautaient avec une détonation cassante, comme un coup de pistolet. On entendait la boule sonnant contre les quilles cerclées de fer, au fond du jeu. Des femmes qu’on chatouillait poussaient des cris, pareils à des gloussements de volaille.

C’était le moment où Pierre triomphait. Debout au milieu de la salle, il pérorait, gesticulait, parlait haut, donnait des ordres à tout le monde. Il avait une façon de saisir une bouteille et de verser dans les verres de toute sa hauteur qui révélait l’homme du monde. Maître Charmois lui obéissait, ayant pour lui cette considération dont les bons lurons et les joyeux vivants jouissent au village.

Marthe, assise à ses côtés sur le banc étroit, ne se lassait pas de le dévisager.

Comme il était beau et soigné dans toute sa personne ! De menus détails révélaient l’homme soucieux de plaire. Le col de sa chemise, largement rabattu, laissait voir son cou musclé, dont la peau un peu hâlée