Aller au contenu

Page:Mother Earth - Vol. 2, n° 1, March 1907.djvu/542

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le Mariage est une mauvaise action

(Cette conférence présente un point de vue négatif sur le mariage et constitue une réponse au plaidoyer de la Dr Henrietta P. Westbrook en faveur de cette institution — plaidoyer intitulé «Le mariage est une bonne action». Les deux conférences ont été prononcées dans les locaux de la Radical Liberal League, à Philadelphie le 28 avril 1907.)


Laissez-moi tout d’abord éclaircir deux points, dès le départ. Ainsi, lorsque la discussion débutera, nous pourrons nous concentrer sur l’essentiel.

1) Comment peut-on distinguer entre une bonne et une mauvaise action ?

2) Quelle est ma définition du mariage ?

Relativité des actes et des besoins

D’après ma compréhension du puzzle de l’univers, aucun acte n’est, à mon avis, totalement juste ou mauvais. Tout jugement que l’on porte sur un acte est relatif : il dépend de l’évolution sociale des êtres humains qui progressent consciemment, mais très lentement, par rapport au reste de l’univers. Le bien et le mal sont des conceptions sociales — et non humaines. Les mots de bien et de mal ont certes été inventés par des hommes ; mais les conceptions du bien et du mal, obscurément ou clairement, ont été conçues avec plus ou moins d’efficacité par tous les êtres sociaux intelligents. La définition du Bien, entérinée et approuvée par la conduite admise des êtres sociaux, est la suivante : est considéré comme juste le comportement qui sert le mieux les besoins en développement d’une société donnée.

Mais qu’est-ce qu’un besoin ? Dans le passé, les besoins étaient surtout déterminés par la réaction inconsciente de la structure (sociale ou individuelle) à la pression du milieu. Jusqu’à récemment, je pensais encore comme Huxley [1], Von Hartman [2] et mon professeur Lum [3], que le besoin était déterminé par la pression du milieu ; que la conscience pouvait percevoir, obéir ou s’opposer, mais qu’elle ne pouvait influencer le cours du développement social ; et que, si elle décidait de s’y opposer, elle ne faisait que provoquer sa propre ruine, mais ne modifiait pas l’idéal inconsciemment déterminé.

Conscience et évolution

Ces dernières années, j’en suis arrivée à la conclusion

  1. Thomas Henry Huxley (1825-1895). Naturaliste britannique et défenseur de la théorie de l’évolution de Darwin.
  2. Eduard von Hartman (1842-1906). Philosophe allemand. Selon lui, une force impersonnelle anime le monde et mènera celui-ci à l’anéantissement total. Pour Voltairine de Cleyre cette force inconsciente peut, au contraire, se transformer grâce à l’action consciente des hommes et conduire à la libération de l’individu.
  3. D. H. Lum : mentor de Voltairine de Cleyre (cf. l’article de Chris Crass).