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Page:Mother Earth - Vol. 2, n° 1, March 1907.djvu/549

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est le meilleur moyen d’assurer l’épanouissement de l’individu ? En répondant à ces questions, je pense qu’il sera utile de distinguer entre la majorité et la minorité.

Pour une minorité, l’éducation des enfants représentera le besoin dominant de leur vie tandis que, pour une majorité, cela constituera seulement un besoin parmi d’autres. Et quels sont ces autres besoins ? Les autres besoins physiques et spirituels ! Le désir de manger, de s’habiller et de se loger en fonction du goût de chaque individu ; le désir d’avoir des relations sexuelles et pas en vue de la reproduction ; les désirs artistiques ; le besoin de connaissances, avec ses milliers de ramifications, qui emportera peut-être l’âme des profondeurs du concret jusqu’aux hauteurs de l’abstraction ; le désir de faire, c’est-à-dire d’imprimer sa volonté sur la structure sociale, qu’il s’agisse d’un ingénieur mécanicien, d’un conducteur de moissonneuse-batteuse ou d’un interpréteur de rêves — quelle que soit l’activité personnelle.

Le désir de se nourrir, se loger et se vêtir devrait toujours reposer sur le pouvoir de chaque individu de satisfaire soi-même ses besoins. Mais la vie domestique est telle que, au bout de quelques années d’existence commune, l’interdépendance croît au point de paralyser chaque partenaire lorsque les circonstances détruisent leur bel arrangement, la femme en étant généralement très affectée, l’homme beaucoup moins, en principe. L’épouse n’a fait qu’une seule chose dans une sphère isolée, et même si elle a peut-être appris à bien la faire (ce qui n’est pas sûr, parce que la méthode de formation n’est absolument pas satisfaisante), de toute façon cela ne lui a pas donné la confiance nécessaire pour gagner sa vie de façon indépendante. Timorée, elle s’avère le plus souvent incapable de s’engager dans la lutte. Elle est passée à côté du monde de la production, elle ne le connaît absolument pas. D’un autre côté, quelle sorte de métier peut-elle exercer ? Devenir l’employée de maison d’une autre femme qui la dominera ? Les conditions de travail et la rémunération des services domestiques sont telles que n’importe quel esprit indépendant préférerait être esclave dans une usine : au moins l’esclavage est limité à une quantité fixe d’heures.

Quant aux hommes, permettez-moi de vous raconter une anecdote : il y a quelques jours de cela, un syndicaliste très combatif m’a déclaré, apparemment sans la moindre honte, qu’il vivrait comme un vagabond et un ivrogne s’il ne s’était pas marié, parce qu’il ne se sent pas capable de tenir une maison. Leur accord mutuel a surtout un mérite, à ses yeux : son épouse s’occupe bien de son estomac.