Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/106

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Le talapoin et ses deux hommes furent très-surpris de voir arriver un « farang » ou étranger dans la pagode. Quelques petits présents ne tardèrent pas me mettre dans leurs bonnes grâces. Le supérieur surtout fut enchanté d’un morceau de fer aimanté que je lui donnai ; il s’amusa longtemps avec ce jouet et poussa des cris d’admiration chaque fois qu’il le voyait attirer et soulever tous les petits objets de métal qu’il mettait à sa portée.

Je me rendis à l’extrémité nord de la montagne, où quelque être généreux, pour faire une œuvre méritoire, a eu la bonne idée de construire une salle pareille à celles que l’on trouve sur beaucoup de chemins et auprès des pagodes pour abriter les voyageurs.

La vue dont on jouit de cet endroit est d’une splendeur indescriptible, dans toute la valeur significative de ce mot. Je n’ai pas la prétention, on a pu le voir du reste, de dépeindre avec toutes leurs couleurs ces spectacles grandioses qui vont désormais se multiplier sous mes yeux ; à peine ma plume et mon crayon ont-ils pu en saisir les contours et quelques détails ; mais ce dont on peut être sûr, c’est que mes esquisses n’admettent que ce que j’ai vu et rien de plus. Je n’avais rencontré jusqu’alors au Siam que des horizons peu développés ; mais ici la beauté du pays se montre dans toute sa splendeur. Je voyais se dessiner à mes pieds, comme un riche et moelleux tapis velouté, aux nuances éclatantes, variées et fondues, une immense ligne de forêts, au milieu desquelles les champs de riz et les autres lieux non boisés paraissent comme de petits