Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/107

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filets d’un vert clair ; au delà s’élèvent comme en gradins des monticules, des monts, et enfin à l’est, au nord et à l’ouest, sous la forme d’un demi-cercle, la chaîne de montagnes de Phrâbat, puis celle du royaume de Muang-Lôm, et enfin celles de Kôrat jusqu’à plus de soixante milles de distance. Toutes se relient les unes aux autres et ne forment pour ainsi dire qu’un seul massif dû au même bouleversement. Mais comment décrire la variété de formes de toutes ces sommités ? Ici, ce sont des pics qui se confondent avec les teintes vaporeuses et rosâtres de l’horizon ; là, des aiguilles où la couleur des roches fait ressortir l’épaisseur de la végétation ; puis des mamelons aux fortes ombres, tranchant sur l’azur du ciel ; plus loin, des crêtes majestueuses ; enfin, ce sont surtout les effets de lumière brillante, les teintes délicates, les tons chauds qui font de ce spectacle quelque chose d’enchanteur, de magique, que l’œil d’un peintre pourrait saisir, mais que son pinceau, si riche et si puissant qu’il fût, ne saurait jamais rendre qu’imparfaitement.

À la vue de ce panorama inattendu, un cri d’admiration sortit en même temps de toutes les bouches Mes pauvres compagnons, généralement insensibles aux beautés de la nature, éprouvaient cependant un moment d’extase devant ce tableau sublime et grandiose. « Oh ! di ! di (beau) ! » s’écriait mon jeune guide laotien ; et demandant à Küe, qui restait silencieux, ce qu’il pensait de cette vue : « Oh ! master, me répondit-il dans son jargon mêlé de latin, d’anglais et de siamois, les Siamois voir Bouddha sur une pierre et ne pas voir Dieu